C'était il y a fort longtemps, lors d'une dégustation de vins, rouges et blancs, au domicile d'un amateur montréalais. Il y avait là, entre autres, Michel Phaneuf, Gillian Gayton (The Gazette), et moi-même.

La conversation qui suivit tournait, vous l'imaginez, autour du vin...

Lorsqu'on en arriva à Bordeaux, et particulièrement à Saint-Émilion, notre hôte, un commerçant, déclara qu'il n'y avait qu'un seul Saint-Émilion de fiable, à ses yeux.

«Cheval Blanc», déclara-t-il, sûr de lui.

Il faut dire qu'à cette époque, au début des années 80, les premiers grands crus classés tels que ce vin coûtaient moins de 70 ou 80$!

Tout cela pour dire qu'on ne peut boire (bien sûr) de pareils vins tous les jours, ni même des vins à, disons, 30$ et plus, à moins d'être fortuné.

Or, même le plus grand dégustateur s'accommode fort bien de vins modestes, et même très modestes, à condition qu'ils soient bien faits.

Il leur demande grosso modo les mêmes qualités qu'aux meilleurs vins: qualité des saveurs et netteté aromatique; qualité de texture (absence d'astringence désagréable, par exemple) et puis l'équilibre.

Il sait par contre qu'on ne peut en exiger ce que seuls peuvent donner les meilleurs vins et les grands vins: ampleur, complexité et peut-être, surtout, la longueur en bouche, ou persistance aromatique.

L'été et ses chaleurs, le fait aussi que c'est la période des vacances, se prêtent fort bien à la consommation de vins modestes (tout comme de rosés), ce qui ne veut pas dire qu'on doit boire... de petits vins sans substance, acides, décharnés, manquant de netteté.

En voici au contraire quelques-uns de qualité, aussi peu chers soient-ils.

Entre-Deux-Mers 2009 Château Sainte-Marie

15,75$ (10 269 151), ** 1/2,$ 1/2, 2020-2011

Vin blanc du Bordelais, d'une appellation modeste mais d'un grand millésime, et qui montre... à quel point le millésime peut exalter les arômes. Le bouquet est bien mûr, franc, avec une note discrète de fruits exotiques, et la bouche suit, avec du gras, de l'éclat et un bon goût de fruit. Savoureux. 60% Sauvignon blanc, 30% Sémillon et 10% Muscadelle, et élevage en cuves. 13% (472 caisses).

Vinho Verde 2009 Campo Da Vinha

10,35$ (597 542), *1/2,$, 2010.

Vin blanc portugais, léger, sec, perlant (il renferme une très bonne quantité de gaz carbonique comme tout vinho verde), peu alcoolisé, on le boit à grands traits, sans se poser de questions. Vin de soif, donc. Mais, qualité, son goût est net. 50% Loureiro et 50% Trajadura. 10% (929 caisses).

Mendoza 2009 Malbec Finca Flichman

8$ (10 669 832),**1/2,$, 2010-2012.

Vin rouge d'Argentine, de Malbec, et dont on pourrait penser au nez, à l'aveugle, qu'il est élaboré avec de la Syrah. De corps moyen, charnu sans être très concentré, on retrouve en bouche les mêmes arômes de fruits noirs, sur des tannins veloutés. Tout à fait remarquable pour le prix. 13% (10 789 caisses).

Costières de Nîmes 2007 Prestige Château de Valcombe

13,85$ (11 253 821), ***,$ 1/2, 2010-2013.

Vin de la vallée du Rhône, de Syrah (80%) et de Grenache (20%), dont environ le cinquième est élevé en fûts. La robe est d'un beau pourpre soutenu, le bouquet franc, de fruits rouges et noirs, alléchant, la bouche plus que moyennement corsée, avec des tannins ronds, du charme. Seul bémol: un peu de chaleur (l'alcool) sur la langue. 14% (810 caisses).

South Eastern Australia 2009 Cabernet Merlot Rosemount

14,95$ (552 000), **1/2,$1/2, 2010-2011.

Rouge australien, au bouquet et aux saveurs bien mûrs, charnu, de corps moyen, et aux tannins bien enrobés. Dépourvu d'odeurs genre eucalyptus (tant mieux), son bouquet n'est pas sans rappeler les fraises une vingtaine de minutes après l'ouverture de la bouteille. 13,5% (3273 caisses).

Côtes de Castillon 2008 Château Puy-Landry

14,80$ (852 129), **,$1/2, 2010-2011.

Le Merlot domine (80%) dans ce bordeaux peu corsé, très peu tannique, souple, aux saveurs nettes, et dont le bouquet évoque un peu les vins rouges de Cabernet franc de la Loire. Élevé en cuves, il gagnera à être servi rafraîchi (13-14 degrés). 12,5% (238 caisses).

La recommandation de la semaine

Carinena 2009 Garnacha Castillo de Monséran

8,85$ (624 296), **,$, 2010-2011.

Très bon, sinon excellent millésime, pour cette appellation espagnole, dit-on. Toujours est-il que ce vin fait de Grenache seulement m'a semblé meilleur que jamais en 2009. À sa couleur, on pense «beaujolais» et on le pense de nouveau à son joli bouquet de fruits rouges, relevé par une petite note épicée. Plutôt léger ou du moins tout au plus moyennement corsé, un peu de gaz carbonique en exalte les saveurs, et il se présente avec de l'éclat et un bon goût de fruit, tout en étant un brin astringent, comme tant de beaujolais. Enfin, j'aurais tout aussi bien pu lui accorder deux étoiles et demie. À servir rafraîchi. Pour l'été... 12,5% (5711 caisses).