Après une carrière aussi fructueuse que payante dans le domaine de la radio, Sylvain Rosier a eu envie de se faire vigneron.

Sa femme Isabelle et lui ont réalisé leur rêve en achetant le Château du Chatelard, à Lancié, dans le Beaujolais (maison dont le Moulin-à-vent est en vente au Québec).

Pourquoi le Beaujolais?

«Parce que je voulais travailler en monocépage (le gamay, ici, évidemment) et parce que la région nous plaisait», explique M. Rosier, avant de préciser que le prix des terres a aussi joué dans la décision.

«Il est encore possible d'acheter en Beaujolais, contrairement à Bordeaux ou en Bourgogne», ajoute-t-il.

Les prix des bons terroirs de France, à plus forte raison ceux des régions prestigieuses, ont effectivement de quoi refroidir les ambitions les plus ardentes.

Selon l'organisme SAFER, «le prix moyen des vignes AOC et AOVDQS a doublé entre 1997 et 2008, s'établissant à 91 000 euros l'hectare».

Cette situation crée de nombreux problèmes en France: bien des propriétaires seraient aujourd'hui incapables d'acheter leur propre vignoble; les meilleurs terroirs sont dans la ligne de mire des spéculateurs étrangers; les petits domaines familiaux se font avaler par des groupes puissants.

De plus, la succession familiale est souvent impossible si l'un des enfants doit verser d'un coup à ses frères et soeurs la part qui leur revient ou si les parents veulent toucher les fruits de la vente.

C'est le cas, notamment, en Champagne, région convoitée et exploitée à son plein potentiel. À 750 000 euros l'hectare (1 million CAN), plusieurs héritiers de domaines familiaux ne peuvent faire autrement que de vendre lorsque vient le temps de partager le patrimoine. Les géants tels Moët et Chandon ou Mumm, avides de nouvelles terres pour soutenir leur production, ne sont jamais bien loin pour ramasser les parcelles disponibles. (Petite référence: on produit, en Champagne, environ 10 000 bouteilles par hectare.)

L'explosion du prix des terres ne touche pas que la Champagne. En fait, c'est encore pire ailleurs.

En Bourgogne, les meilleures terres se vendent entre 70 000 et 120 000 euros (entre 96 000 et 165 000 dollars) l'ouvraie (unité de mesure utilisée dans cette région). Or, il y a 24 ouvraies par hectare. Faites le calcul: un hectare vaut donc entre 1,68 million et 2,8 millions d'euros (entre 2,3 et 3,9 millions de dollars). Dans la microappellation prestigieuse Bâtard-Montrachet, c'est 760 000 euros l'ouvraie (18 millions d'euros ou 25 millions de dollars l'hectare).

On comprend mieux, devant de tels chiffres, pourquoi les meilleures bouteilles atteignent, en Bourgogne, des prix sidérants. Et cette tendance ne fera que s'aggraver, selon Pascal Marchand, viticulteur québécois de renom expatrié dans cette région depuis plus de 25 ans.

«Le problème, c'est que les enfants ne peuvent reprendre la terre de leurs parents, ce qui ouvre la porte à de plus en plus de capitaux étrangers, explique-t-il. Avant, un passionné de vin pouvait déguster des grands crus, mais ils sont maintenant inabordables et ces vins partent vers des marchés comme la Chine ou la Russie et sont achetés par des "buveurs d'étiquette". Les prix de fous des Romanée-Conti ou de la Tâche se multiplieront.»

Les meilleurs terroirs de la vallée du Rhône ne font pas exception. À Hermitage, par exemple, où l'hectare coûte de 1,2 à 1,3 million d'euros.

Quant à Bordeaux, autre paradis de la démesure, voici, pour vous donner une petite idée, une liste des prix moyens des vignes par hectare et par appellation (source: SAFER).

Médoc : 35 000€, Haut Médoc: 45 000€,Saint Estèphe: 350 000€, Saint Julien - Margaux: 1 000 000€, Pauillac: 700 000€, Moulis: 50 000€, Listrac: 45 000€, Saint Émilion: 200 000€, Lussac, Puisseguin, Montagne: 100 000€, Fronsac: 55 000€, Lalande de Pomerol: 150 000€, Pomerol: 1 000 000 €, Côtes de Bourg: 23 000€, Côtes de Blaye: 21 000€, Bordeaux rouge: 18 000€, Bordeaux blanc Entre deux Mers: 18 000€, Premières Côtes de Bordeaux: 20 000€, Graves: 30 000€,Pessac Léognan: 140 000€, Sauternes: 60 000€.