En voyant les terribles images de la centrale nucléaire de Fukushima, au Japon, on s'inquiète et s'émeut du sort de la population locale, bien sûr, mais je n'ai pu m'empêcher, en plus, d'avoir une pensée pour ces vignerons français du Tricastin, rencontrés l'an dernier lors d'une virée dans ce coin.

J'ai raconté dans cette chronique la bataille des vignerons du Tricastin, situé tout au nord de la vallée du Rhône, dont l'appellation souffre du voisinage d'une centrale nucléaire portant aussi le nom de Tricastin.

Difficile de vendre son vin lorsque les amateurs imaginent une centrale nucléaire (qui a eu quelques pépins ces dernières années) plutôt que des vignes en voyant le nom de l'appellation sur l'étiquette. La concurrence est déjà assez rude dans le monde du vin, pas besoin, en plus, de se battre contre le spectre du nucléaire.

L'ombre de la centrale est tellement gênante que les producteurs ont décidé de biffer Tricastin, le nom historique de l'appellation et de le remplacer par Grignan-Les Adhémar.

Centrale nucléaire ou non, les vignerons du Tricastin, pardon, de Grignan-Les Adhémar, ont décidé de se battre pour réhabiliter leur région et vendre leurs bouteilles.

Faire du vin, parfois dans des conditions hostiles, tailler et garder sa place sur le marché représentent déjà des défis considérables. Voir, en plus, des vignerons se battre pour faire reconnaître leur terroir force l'admiration.

J'ai rencontré ces dernières semaines deux producteurs dévoués à leur terroir, à leur coin de pays, à l'appellation qu'ils défendent contre les préjugés et les modes envahissantes.

Matheos Argyros, du domaine du même nom en Grèce, et Fabien Jouves, de Cahors, en France, sont deux résistants de la vigne comme je les aime: déterminés, sans complexes, vrais et convaincants.

Je ne veux surtout rien enlever aux producteurs des grandes maisons bordelaises, italiennes ou californiennes ni à la qualité de leurs vins, mais les grands noms auréolés de titres de noblesse et poussés au sommet par les revues spécialisées se vendent tout seuls. C'est plus difficile pour les «petites» appellations méconnues, oubliées ou dévalorisées par des vignerons peu scrupuleux qui préfèrent le volume à la qualité.

Parlez-en à Fabien Jouves, du domaine Mas des Périé, à Cahors, qui produit des vins 100% malbec (comme il se doit dans l'appellation, dit-il) d'une délicatesse étonnante pour ce coin de France reconnu pour ses vins râpeux, lourds et sans finesse.

«J'en ai marre que l'on dise que les vins de Cahors râpent!» lance, frondeur, le jeune vigneron. M. Jouves, qui a repris la terre de ses parents, refuse de suivre le courant dominant de son appellation, qui est de faire du volume ou d'arracher le malbec pour cultiver des cépages plus à la mode, comme le merlot.

«Le merlot, ça ne va pas chez moi, il fait trop chaud, le sol est trop pauvre, dit-il. Certains ajoutent du merlot, mais ce n'est pas bon. Le merlot peut tirer 17% même avant d'être mûr!»

Fabien Jouves aime son coin de pays et sa terre, mais il avoue avoir un peu honte de l'appellation Cahors. Au point d'imprimer le nom Cahors sur la contre-étiquette de ses bouteilles.

«Quand je vois des cahors vendus 1 euro dans les supermarchés, ça fout en l'air l'appellation! Il n'y a pas d'amoureux de l'appellation, il nous manque un ambassadeur, un champion, un peu comme Alain Brumont l'a fait pour Madiran.»

M. Jouves refuse de porter seul la croix, mais ses vins, de toute évidence, font honneur à la région. Vous les trouverez en importation privée chez Vinéalis (vinealis.qc.ca).

Beaucoup plus au sud, à Santorin, en Grèce, Matheos Argyros, produit lui aussi des vins dans le respect des traditions et du terroir. Nous sommes évidemment dans un tout autre registre: des blancs délicats, frais et un excellent vinsanto.

Son agent au Québec, Théo Diamantis, d'Oenopole, se désole de constater que les vins de son pays d'origine, qui a pourtant une très vieille histoire avec la vigne, soient si méconnus et mésestimés ici.

(Les vins du Domaine Argyros sont disponibles à la SAQ et en importation privée sur oenopole.ca).

Moins de 20$

Atlantis, Argyros Santorini, vdp Cyclades 2009 (Code SAQ: 11097477) 16,45$

Théo Diamantis a un parti pris pour le vin grec, c'est évident, mais il avait raison: ce «petit» vin de Santorin, fait du cépage indigène asirtiko, est frais, vif, un brin minéral et il se marie à merveille avec la pieuvre grillée et les calmars. Une très agréable découverte et une bonne porte d'entrée dans le monde des vins grecs.