En septembre 2018, lors d'une vente aux enchères à New York, une bouteille de romanée-conti 1945 a été vendue plus de 700 000 $CAN. Pour une seule bouteille de 750 ml. Le prix le plus cher jamais payé pour une bouteille de vin.

C'est le genre de chiffre qu'on retient. Comme un mordu de sport se tient au courant des statistiques, les gens du vin se tiennent au courant des prix du marché. Ce n'est pas inhabituel, dans un concours de sommellerie, de se faire questionner sur le vin le plus cher jamais vendu. Le genre d'anecdote qui peut être amusante à partager avec nos clients. Mais un bon sommelier devrait aussi avoir une notion de la valeur des vins. Nous avons des clients qui veulent se bâtir une cave à vin, ou qui sont collectionneurs, et nous demandent conseil: quel vin acheter? Lesquels sont sur ou sous-évalués?

Le prix de la bouteille la plus chère jamais vendue. C'est un chiffre que je notais de temps en temps. Maintenant, des records sont battus chaque année. Et les prix, toujours impressionnants, sont maintenant devenus indécents...

D'ailleurs, que font les acheteurs avec ces bouteilles? Sont-elles bues, achetées comme un investissement, exposées?

La plus belle cave à vin du monde

J'ai eu le plaisir de m'entretenir récemment avec Michel-Jack Chasseuil qui était en visite à Montréal. M. Chasseuil a la plus belle cave du monde; tous les spécialistes s'entendent là-dessus. Plus de 40 000 bouteilles, et pas n'importe lesquelles. «Je n'achète que les meilleurs millésimes des meilleurs crus des producteurs les plus réputés», affirme-t-il fièrement. Sa collection comprend en effet tous les vins les plus prisés et les plus recherchés du monde. Le romanée-conti 1945? Il en a. Un Château d'Yquem 1811 aussi. Ainsi que tous les millésimes produits de ce prestigieux sauternes depuis 1900. Des bouteilles ayant appartenu au tsar Nicolas II ainsi qu'à Napoléon Ier.

Mais cette collection n'assouvira jamais aucune soif. «Plus qu'une collection, ma cave est un conservatoire», dit M. Chasseuil, qui veut garder la trace de ce riche patrimoine viticole pour les générations à venir. Son voeu le plus cher est qu'elle devienne un musée. Ce qui lui vaut les railleries de certains critiques et collectionneurs, qui voient plutôt sa collection comme un ossuaire.

On peut ne pas être d'accord avec ses motivations. Tous les amateurs de vins à qui j'en ai parlé disent que le vin est avant tout fait pour être bu. Bien sûr, on peut le faire vieillir, mais sa fin devrait toujours être au fond d'un gosier et pas d'une bouteille.

C'est tout de même noble de M. Chasseuil de ne pas vouloir s'enrichir avec sa cave. Un milliardaire chinois lui a déjà glissé un chèque de 50 millions d'euros à table, qu'il s'est empressé de refuser, à la grande incrédulité de l'acheteur. «Ma cave n'est pas à vendre», a-t-il vite précisé. Son souhait le plus cher est qu'elle passe à la postérité, «pour garder une trace de ces grands vins pour l'humanité». La passion de M. Chasseuil est admirable et sa ténacité, remarquable. Personne d'autre n'a réussi à assembler une telle collection. Et de vouloir la conserver pour que les générations futures n'oublient jamais ces grands vins est louable.

Photo fournie par la SAQ

Thymiopoulos Atma 2017, 16,90 $ (13476201) 12 %

La beauté ne réside pas dans le contenant

Mais peut-on admirer une bouteille de la même façon qu'on admire un tableau, une oeuvre d'art? La beauté du vin ne réside pas dans son contenant... Si on est pour admirer des étiquettes, des bouteilles, elles pourraient tout aussi bien être vides, non? M. Chasseuil insiste que dans le vin, «il y a tous les minéraux, il y a la mémoire du monde [...], la traçabilité de la planète, l'histoire de son climat». Mais si les bouteilles restent à jamais fermées, ça sert à quoi?

À la question quels vins sont sur ou sous-évalués, la réponse n'est pas toujours simple. Il est bien sûr question de moyen, et de goûts. Mais entendons-nous, comme pour les montres ou les voitures, il y a un moment où on entre dans le monde du luxe. Je trouve terriblement triste que les grands vins de ce monde ne soient maintenant accessibles qu'à une infime minorité. J'ai aussi trouvé triste la réponse de M. Chasseuil à ma question: quels sont les grands crus, les grands terroirs de demain? «Tous les grands terroirs ont déjà été exploités, tout est déjà fait, il n'y a rien d'autre à découvrir.» Sur ce point, j'ose m'inscrire en faux: on découvre et on redécouvre de grands terroirs encore de nos jours. Et qui sait si, dans 50 ans, on ne s'arrachera plus les bouteilles de la Romanée-Conti, mais celles d'un terroir encore inconnu d'Angleterre, du Chili ou du Canada?



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Poggio Caespes «Terre di Libarna» Colli Tortonesi Timorasso 2016, 25,00 $ (13674400) 12,5 %

Quatre vins à déguster

Thymiopoulos Atma 2017

Délicieux vin blanc sec, assemblage de xinomavro et de malagousia. Le xinomavro, cépage rouge vinifié ici en blanc, apporte surtout de la structure. Parce que les arômes, c'est tout la malagousia: ça donne un vin parfumé, aux accents de rose et de jasmin, de pêche, de fleur d'oranger et d'épices. Tout aussi savoureux en bouche, frais et pimpant, avec une très bonne tenue et une longue finale. Parfait pour l'apéritif, avec des rouleaux de printemps, des légumes en tempura avec tzatziki ou des crevettes sautées à l'orange. Ou juste pour faire semblant que c'est le printemps.

16,90 $, 12 %

Poggio Caespes «Terre di Libarna» Colli Tortonesi Timorasso 2016

Pour les mordus d'ampélographie, voici une occasion rare de goûter un vin de timorasso, vieux cépage piémontais, spécialité de la région des Colli Tortonesi. Comme beaucoup d'anciens cépages de grande qualité, mais difficiles à cultiver, il a presque disparu, au profit de variétés plus productives. Le nez est dense, complexe, même s'il est peu fruité. Les arômes tournent autour des agrumes, de la pomme Russet, mais surtout des herbes et des fleurs séchées, du foin, de la cire, de la fumée. Avec une impression minérale marquée. Une matière mûre en bouche lui donne de la chair, une acidité vivifiante, du tonus, et l'impression minérale demeure avec des notes de cailloux, de pierre à fusil. Il fait preuve d'un certain volume, malgré seulement 12,5 % d'alcool, et d'une finale qui s'étire sur de légers tanins. Très cool. À faire déguster à l'aveugle à vos amis qui connaissent tout!

25 $, 12,5 %

Photo fournie par la SAQ

Volpaia Prelius Cabernet Sauvignon Maremma Toscana 2016, 21,30 $ (13706627) 14,5 % BIO

Volpaia Prelius Cabernet Sauvignon Maremma Toscana 2016

L'excellent Castello di Volpaia de Radda in Chianti cultive aussi des vignobles dans la Maremma, plus près de la mer Tyrrhénienne. Le cabernet sauvignon, introduit dans la Maremma dans les années 60, y réussit très bien. Seul en vedette dans cette cuvée, très colorée, avec un fruit bien mûr - mûres, liqueur de cassis - et des notes de tabac sucré, d'épices douces ainsi qu'une pointe mentholée. La bouche est tout en fruit et la texture est suave, accentuée par les saveurs de cacao et d'épices du bois. Ample en bouche, avec des tanins bien présents, mais mûrs, et beaucoup de fraîcheur. Un caractère très mûr et fruité, qui fait plus Nouveau Monde, mais aussi très toscan: archi sec, savoureux, avec une acidité fraîche et des tanins fermes. Le meilleur des deux mondes.

21,30 $, 14,5 % BIO

Principiano Barolo del Commune di Serralunga d'Alba 2014

Vous êtes toujours nombreux à demander des suggestions de vins à mettre en cave pour des anniversaires. Difficile de trouver mieux pour ça que du nebbiolo. En voici un très bel exemple. La couleur est d'un rubis grenat très pâle, comme il se doit, et le nez, intensément aromatique: de la cerise fraîche et séchée, de la réglisse, des champignons, du cuir, du thé. En bouche, le fruit est presque charmeur, avec des accents de tarte aux cerises et de confiture de fraises, mais aussi tout le caractère savoureux du nebbiolo: herbes séchées, thé, tabac, anis. La bouche est ferme et corsée, avec des tanins solides, mais super harmonieuse. Déjà délicieux (à passer en carafe 2 ou 3 heures et à servir avec des viandes rouges rôties ou braisées), mais peut se garder encore 15 ans.

46,75 $, 13 %

Photo fournie par la SAQ

Principiano Barolo del Commune di Serralunga d'Alba 2014, 46,75 $ (11387301) 13 %