«Le Sangiovese n'est pas un cépage facile», disait, le printemps dernier, Leonardo Frescobaldi, au cours d'une visite du Castello di Nippozano, dans l'appellation Chianti Rufina, domaine dont il est propriétaire avec sa famille.

Il voulait dire par là sans qu'on ait à lui demander d'explications- que c'est un cépage acide, tannique, et susceptible de donner des vins à l'astringence marquée.

Variété à maturation tardive, comme le soulignent Oz Clarke et Margaret Rand dans leur Guide des cépages (Gallimard), il arrive aussi que le Sangiovese donne des vins plus qu'astringents, et donc rudes, agressifs.

Le vin garde en pareil cas «des saveurs rêches et rebutantes», écrivent-ils.

Mais bien vinifié, on peut en tirer des vins dont les tannins, tout en restant fermes, sont dépourvus de rugosité comme les deux exemples plus bas.

Et, pour en arriver à ce résultat, on peut croire que chaque viticulteur a sans doute ses secrets, ses techniques particulières...

Dans ce but, la tendance, pendant longtemps, fut de l'associer à d'autres cépages, notamment le Cabernet Sauvignon ou le Merlot. Célèbre Chianti Classico, Badia A Passignano fut ainsi, jusque vers 1997, un assemblage de Sangiovese et d'une petite proportion de Merlot. Ce n'est plus le cas.

Ou encore (et cela prit l'allure d'un scandale!), certains producteurs de Brunello di Montalcino l'assemblèrent  dans le millésime 2003, de mémoire  à du Merlot... avec succès à ma connaissance. Ceci, alors que le Brunello ne doit être fait, selon le décret de l'appellation, que de Sangiovese.

Castello Banfi, qui produit trois Brunellos différents, et aux tannins bien enrobés, utilise pour sa part, à cet effet, la micro-oxygénation, ou micro-bullage. Technique qui consiste à diffuser de l'oxygène, à petites doses, dans le vin, avant bien sûr la mise en bouteilles, ce qui attendrit les tannins.

Toujours est-il que la tendance actuelle est, non pas d'assembler le Sangiovese avec d'autres cépages, mais de produire des chiantis, mais aussi d'autres vins de Toscane, faits uniquement de Sangiovese. Manifestement parce que ce cépage est de plus en plus respecté, et réputé.

Enfin comment expliquer que le Sangiovese, qui porte un nom chaque fois différent selon la zone où il est cultivé (Prugnolo, Brunello, Morellino, etc.), suscite autant d'intérêt et compte autant d'admirateurs je suis du nombre, bien qu'il puisse donner des vins parfois rugueux?

Explication toute subjective: c'est sa richesse de caractère, son côté dans certains cas un peu sauvagecomme on le dit de certaines personnes, qui fait qu'on accepte du Sangiovese ce qu'on n'accepterait pas d'autres cépages.

Enfin, chose on ne peut plus curieuse, l'autre grand cépage rouge d'Italie, le Nebbiolo, peut donner lui aussi des vins tanniques, parfois durs.

Chianti Classico 2007 Riserva Badia A Passignano, 42,50$ (403980), ***1/2,$$$$, 2012-2015.

Très beau chianti, dans lequel n'entre que du Sangiovese, au bouquet de bonne ampleur, mûr, typé, avec des notes de cuir, de raisins rouges secs rappelant... le gâteau aux fruits. Nettement plus que moyennement corsé, tannique quoique sans rugosité, son après-goût persiste un bon moment. Impeccable. L'élevage est fait en fûts de chêne français, dont 30% de neufs. 14%  (59 caisses).

Toscana 2007 IGT Pugnitello da San Felice, 49,50$ (10873673), ***1/2,$$$$, 2012-2016.

Des 161 cépages rouges de Toscane identifiés par l'Université de Florence, le cépage ancien et jusque-là oublié qu'est le Pugnitello compte parmi les meilleurs, selon San Felice. Très coloré, quasi opaque, le vin que cette maison a obtenu avec ce cépage, et qui est élevé en fûts de chêne français, se présente avec un bouquet très large, de fruits noirs, et épicé, avec des nuances évoquant l'encre noire. Corsé, bien en chair, tannique, il est même un peu carré. Savoureux. 14% (109 caisses).

Bolgheri 2009 Le Serre Nuove, 60,75$ (10223574), ****,$$$$1/2, 2012-2017.

Magnifique vin rouge de Toscane, de cépages bordelais uniquement, dont 54% de Merlot et 31% de Cabernet Sauvignon, avec élevage en fûts de chêne français, dont le quart de neufs. Deuxième vin d'Ornellaia, son bouquet est ample, distingué, de fruits noirs surtout (genre mûres et cerises noires). Suit une bouche relativement corsée, dense, pleine d'éclat, sur des tannins gras. Seul petit bémol: on sent un peu le degré alcoolique sur la langue. Excellent. 14,5% (124 caisses).

Chianti Classico 2008 Riserva Fontalpino, 41$ (11355827), ***1/2,$$$$, 2012-2018.

Chianti fait que de Sangiovese, d'où sa couleur violacée, bien soutenue, qu'accompagne un généreux bouquet de petits fruits noirs, net, pour l'instant peu nuancé. La bouche suit, charnue, compacte, corsée, sur des tannins qui, tout en faisant montre de fermeté, un brin astringents, n'ont pourtant rien d'agressif. Sérieux. Mais, on le sait, les bons chiantis sont devenus chers... À l'aveugle, toutefois, bien malin qui reconnaîtrait le Sangiovese. Élevage en fûts de chêne français, dont 30% de neufs. 14% (216 caisses).

Vin du Pays du Val de Loire 2010 Attitude Pascal Jolivet, 17,15$ (11463828), ***,$$, 2012-2013.

Très joli vin blanc de la Loire, de Sauvignon blanc, la fermentation se faisant avec seulement les levures indigènes présentes sur les fruits. Peu coloré, un peu verdâtre, son bouquet de Sauvignon est fin, sans excès aromatiques et évoque le Sancerre. Mais la bouche, qui ne manque pas de caractère, a plus de poigne qu'on ne s'y attend. Très bon. 12,5% (154 caisses).