Règle générale, c'est Bordeaux qui fait la loi en matière de millésimes. S'il est réussi pour le Bordelais, on tend à croire qu'il en va de même pour toutes les autres régions viticoles de France. Et même pour les autres pays!

S'il est de qualité moyenne, comme c'est le cas pour 2007, on pense, inversement (ou du moins on est porté à penser), que c'est moyen partout...

Or, bien sûr, c'est faux, comme le montre entre autres la réussite exceptionnelle qu'est 2007 pour la vallée du Rhône, et particulièrement pour ses appellations dites méridionales (le Sud), telles que Côtes du Rhône, Côtes du Rhône Villages, Châteauneuf-du-Pape, Gigondas, etc.

«2007, c'est très grand dans le Sud, tout est bon, c'est moins également réussi dans le Nord», expliquait sur place tout récemment Alain Graillot, qui produit un Saint-Joseph et un Crozes-Hermitage réputés.

C'était à l'occasion de ce grand salon qu'est Découvertes en Vallée du Rhône, que tient tous les deux ans Inter Rhône, l'organisme qui réunit à la fois les viticulteurs, les négociants, etc.

Du lundi 16 mars au samedi 21, 750 exposants ont ainsi offert... quelque 4000 vins à déguster aux professionnels français et étrangers (acheteurs, importateurs, agents, sommeliers, journalistes, etc.), répartis en plus d'une douzaine de salons-dégustations.

Toutes les appellations étaient représentées, particulièrement dans les millésimes 2008, 2007 et 2006, mais également, dans certains cas, 2005, 2003 et même 2001.

À cette occasion, et à l'invitation d'Inter Rhône, j'ai pu ainsi goûter un peu moins de 300 vins, dont beaucoup de 2007. Notamment, et ce, pendant trois jours, dans une immense salle du Palais des Papes, très haute de plafond, au coeur d'Avignon, où pouvaient circuler sans se marcher sur les pieds, le verre à la main, des centaines de personnes.

Il fallait alors déguster, côte à côte, un même vin, par exemple un Gigondas ou un Châteauneuf-du-Pape, ou même un Lirac, dans trois millésimes (2008, 2007 et 2006, par exemple), pour réaliser à quel point 2007 est réussi.

En bref, et même s'il y a des 2007 aux arômes végétaux désagréables (mais ils sont très rares), les vins rouges de ce millésime possèdent toutes les caractéristiques des grandes années: une couleur soutenue, un riche bouquet, aux arômes bien mûrs, avec une bouche consistante, charnue, aux saveurs franches, pleines d'éclat, et des tannins gras.

Pour l'instant, on trouve encore peu de 2007 sur notre marché, mais on peut se faire une idée de ce millésime en goûtant le Côtes du Rhône Villages 2007 Rasteau Ortas Cave de Rasteau, fait à 70% de Grenache, auquel s'ajoutent de la Syrah (20%) et du Mourvèdre (10%) et qui est élevé en cuves de béton, et donc non boisé.

Richement coloré sans qu'il soit opaque, son bouquet, ample, quoique plutôt unidimensionnel, à dominante de fruits noirs, retenu et peu expressif, séduit néanmoins par son côté bien mûr. Mêmes arômes bien mûrs en bouche, de fruits noirs, avec du corps, sans lourdeur aucune, sur des tannins bien enrobés. Toutefois, il est riche en alcool (14,5%) et on le perçoit à la chaleur sur la langue. Très bon quand même, et à prix raisonnable. Savoureux, donc (plus de 5000 caisses).

C, 113 407, 15,95$, ***, ou 16,5/20,$ 1/2, 2009-2010.

Il faut aussi goûter, à prix plus doux, quoiqu'il ne soit pas de la même qualité, le Côtes du Rhône 2007 Georges Duboeuf (voir la recommandation de la semaine).

Ou encore le très beau Vacqueyras 2007 Domaine Mas du Bouquet, d'une appellation voisine de Châteauneuf-du-Pape, très bien coloré, et dont le bouquet, ample, mûr, de fruits noirs, mais également avec des notes rappelant les raisins séchés, séduit d'emblée. Charnu, d'une bonne concentration, velouté, ses saveurs ont l'éclat et la netteté qu'on attend d'un tel millésime. Bref, il est meilleur que certains Châteauneufs-du-Pape coûtant deux fois plus cher! Vin fait de 60% de Grenache, plus 30% de Syrah et 10% de Mourvèdre, il est élevé en cuves (92 caisses).

S, 10 678 317, 19,50$, *** 1/2, 17,8/20,$$, 2009-2013.

Mais... le millésime n'est pas tout, comme le prouve par exemple le très beau Côtes du Rhône Villages 2006 Cairanne Domaine Les Grands Bois, d'une couleur profonde, au bouquet nuancé et dont les arômes associent fruits rouges et fruits noirs, avec des notes un peu fumées. Relativement corsé, riche en alcool (14,5%), tout comme d'ailleurs le Vacqueyras, c'est néanmoins un vin équilibré, aux tannins aimables, bien enrobés. Composé de 55% de Grenache, de 35% de Mourvèdre, puis de 5% de Syrah et de 5% de Carignan, seul le vin de Mourvèdre étant élevé en fûts. Savoureux (143 caisses).

S, 10 678 886, 20,90$, *** 1/2, 17,2/20,$$ 1/2, 2009-2012?

On peut ajouter, en fait, que les appellations septentrionales, et donc de la partie nord, notamment Crozes-Hermitage, Saint-Joseph, Côte-Rôtie et Hermitage, ont également fait en 2007 de très beaux vins.

Le superbe Crozes-Hermitage 2007 Alain Graillot, dense et serré (17,5/20), le Crozes-Hermitage 2007 Domaine des Entrefaux, très Syrah, élégant (17,5/20 également), le Côte-Rôtie 2007 Pierre Gaillard, d'une rare distinction (18/20)... tous notés bien peu généreusement, en sont de bons exemples. (Ces trois vins ne sont pas vendus au Québec, du moins en ce moment.)

Seul bémol comme pour toutes les dégustations-marathons de cette sorte: beaucoup de ces 2007 sont des vins qui ne sont pas encore embouteillés - bruts de cuve, dit-on là-bas. Ce qui veut dire... qu'on ne sait jamais trop si le vin qu'on goûtera plus tard, une fois embouteillé, sera tout à fait semblable et de la même qualité.

N'empêche, il est manifeste que le Rhône se retrouve, en 2007, avec un millésime de très haut niveau.

Et 2008? Et 2006?

En bref: on estime que, pour le Nord, 2006 est meilleure que 2008. Au contraire, le Sud a produit de meilleurs vins en 2008 qu'en 2006, juge-t-on.

«2006 et 2008, ça n'a rien à voir, a dit François Tardy, du Domaine des Entrefaux, pour ce qui est des appellations septentrionales (Crozes-Hermitage, Hermitage, etc.). Avec 2006, on a une année assez structurée, pleine de fruits, et en 2008, on a eu une météo qui nous a un peu embêtés.»

En bref, il a beaucoup plu.

Pierre Gaillard, lui, toujours en ce qui concerne le Nord, juge que 2008 «n'est pas si catastrophique».

Pour ce qui est du Sud (Côtes du Rhône, Châteauneuf-du-Pape, etc.), on estime donc que 2008 surpasse 2006, qui a été une année pluvieuse.

Enfin, et chose certaine, 2007 triomphe!

À noter, par ailleurs, que les 79 000 hectares de vignes de la vallée du Rhône produisent avant tout des vins rouges, lesquels comptent pour 86% de la production totale.

DÉGUSTÉS POUR VOUS

Côtes du Rhône Villages 2005 Rasteau Domaine Rabasse Charavin. Vin rouge élaboré avec de vieilles vignes de Grenache (60 %) et de Mourvèdre (40 %), puis élevé en cuves, richement coloré, son bouquet, ample, expressif, rappelle les arômes de bleuets. Charnu, corsé, ses tannins sont fermes quoique sans rugosité, avec le Grenache qui domine du point de vue gustatif. Très bon (54 caisses). S, 917500, 25,05 $, *** 1/2, 17,5/20, $$$, 2009-2012.

Chianti Classico 2006 Villa Cerna. Chianti de style traditionnel, au bouquet mûr, de fruits rouges, bien typé Sangiovese. D'une bonne concentration, nettement plus que moyennement corsé, ses tannins sont passablement rudes. Fort bon quand même dans son genre (701 caisses). C, 573519, 19,50 $, **1/2, 15/20, 2009-2011.

Coteaux du Languedoc 2006 Grès de Montpellier Château Saint-Martin de la Garrigue. Vin rouge du Languedoc toujours fiable, et tout à fait réussi encore une fois dans ce millésime. Une couleur soutenue, un bouquet de bonne intensité, nuancé, une bouche dense, bien en chair et harmonieuse, sur des tannins ronds -tout y est. Élaboré avec surtout du Mourvèdre (67 %), puis 20 % de Syrah et 13 % de Grenache, il a été élevé en fûts. Impeccable (149 caisses). S, 10268828, 25,65 $, *** 1/2, 17,5/20, $$$, 2009-2011.

Côtes du Rhône Villages 2005 Cairanne Le Pavillon des Courtisanes. Autre vin rouge de la vallée du Rhône, de Grenache, de Syrah et de Carignan, partiellement élevé en fûts (40 % de la cuvée), il se présente avec un bouquet volumineux, de fruits rouges surtout, mais plutôt unidimensionnel. Bien en chair, corsé, ses tannins sont gras, dénués d'aspérités. Très bon, mais cher (119 caisses). S, 10678114, 25,05 $, *** 1/2, 17/20, $$$, 2009-2011.

LA RECOMMANDATION DE LA SEMAINE

Vin d'une belle couleur pourpre-prune, d'une nuance purpurine (signe de qualité)... épiscopale, le Côtes du Rhône 2007 Georges Duboeuf, du célèbre négociant du Beaujolais, élaboré principalement avec du Grenache, plus de la Syrah et du Mourvèdre, charme par la franchise de son bouquet de fruits rouges, relevé par une note comme poivrée (la Syrah?). Et la bouche suit, de corps moyen, toute en fruit, souple, avec des saveurs pimpantes, qui montrent bien qu'on a affaire, malgré le côté sans prétention de ce vin, à un millésime de haute qualité. Délicieux, et à servir rafraîchi, puisqu'une partie de ce vin (la Syrah) a été élaborée comme dans le Beaujolais, par macération carbonique - sans écraser les grappes (1156 caisses).

C, 134502, 12,90$, ** 1/2, 15,8/20, $ 1/2, 2009.

Les frais de ce voyage ont été payés par Inter Rhône.

LA RÈGLE

> Plus d'étoiles que de $, le vin vaut largement son prix.

> Autant d'étoiles que de $, il vaut son prix.

> Moins d'étoiles que de $, il est cher ou même très cher.

> C indique qu'il s'agit d'un vin courant, vendu dans la plupart des succursales.

> S désigne les vins de spécialité, en vente uniquement dans un nombre limité de succursales.

> Le nombre d'années figurant après la note indique le potentiel de garde approximatif à partir de maintenant.

* Vin correct

** Bon

*** Très bon

**** Excellent

***** Exceptionnel

1/2 Égale une 1/2 étoile