Est-il sec? Ou sucré?... C'est, inévitablement, la question qu'on se pose en débouchant une bouteille de vin blanc de Riesling allemand.

La façon la plus simple de tenter de le savoir est de vérifier le degré alcoolique: plus la teneur en alcool est faible, par exemple 7,5 ou 8,5%, plus le vin, du moins en règle générale, renfermera de sucre résiduel.

Mais... rien n'est vraiment simple lorsqu'il s'agit de vins allemands, comme j'ai pu le constater lors d'un voyage récent en Allemagne.

La bonne nouvelle: il y a de plus en plus de vins blancs «secs» allemands de Riesling, le Riesling (qui l'ignore?) comptant parmi les plus grands cépages blancs sur terre.

Mais, mauvaise nouvelle, il est toujours aussi difficile de s'y retrouver dans la classification, fort complexe, des vins allemands.

«En fait, la confusion la plus totale règne en Allemagne, écrit à ce propos Hugh Johnson dans l'édition 2006 de son Guide des vins du monde entier (Flammarion). Les variantes sont trop nombreuses et les producteurs proposent trop de styles différents: Kabinett, Spätlese et Auslese peuvent tous être doux, secs ou entre les deux.»

En même temps, Johnson, comme d'autres grands connaisseurs anglais, aime profondément les vins de Riesling d'Allemagne et conclut, dans sa présentation: «Faites le voeu de boire un bon vin allemand au moins une fois par mois. Ceci changera votre perception de la pureté et de la finesse, et la plupart des Chardonnays vous sembleront grossiers.»

Une grande dégustation

C'était le mardi 26 août, à Wiesbaden, une ville de quelque 300 000 habitants, de toute beauté, à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Francfort. (De toute beauté, car la ville a été épargnée pendant la Deuxième Guerre mondiale, les avions des Alliés qui devaient la bombarder en ayant été détournés par des vents extrêmement violents.)

C'est donc à Wiesbaden, aux somptueuses demeures, que s'est tenue ce jour-là une dégustation réunissant 220 vins d'Allemagne, essentiellement de Riesling.

Presque tous étaient du plus récent millésime, à savoir 2007, nettement supérieur à 2006 pour l'Allemagne.

Enfin, tous ces vins étaient de producteurs du consortium connu là-bas par l'acronyme VDP (Verband Deutsches Prädikatweingüter), et dont sont membres environ 200 des meilleurs viticulteurs allemands.

Or, sur les 72 vins que j'y ai dégustés, au moins une cinquantaine étaient «secs» - mais secs selon la législation allemande. Et donc susceptibles d'accompagner des plats tels qu'un poisson, des fruits de mer, des viandes blanches, etc.

La merveille des merveilles, le Graacher Domprobst 2007 S.A. Prüm, de la Moselle, léger, subtil, «dense en finesse», ai-je noté, d'une élégance et d'un équilibre qui laissent pantois. (J.J. Prüm, qualifié de «légendaire» par Johnson, est un domaine différent.)

Goûté ce jour-là à deux reprises, il me sembla, chaque fois, véritablement sec.

Pourtant - et c'est là en quelque sorte le miracle allemand -, ce vin renferme 8,8 grammes de sucre résiduel par litre, son taux élevé d'acidité, comme dans tant d'autres vins de ce pays, soit 5,9 grammes par litre, faisant qu'on le perçoit comme sec au plan gustatif. (Ces données, transmises par courriel, proviennent du producteur, lequel dit s'attendre à ce que ce vin tienne la route au moins 15 ans.)

Beaucoup d'autres très bons vins de Riesling, de différents producteurs (Von Othegraven, Reichsgraf von Kesselstatt, Ratzenberger, Dr. Loosen, etc.) donnaient eux aussi la nette impression d'être secs.

Et sans doute étaient-ils, eux aussi, conformes à la législation allemande selon laquelle un vin est considéré comme sec jusqu'à une teneur maximale en sucre résiduel de 9 grammes par litre.

Mais il y a sec... et sec. Car d'autres vins de Riesling qui renfermaient un taux de sucre inférieur (par exemple 6 ou 7 grammes par litre) donnaient, eux, l'impression d'être sucrés, sans doute parce qu'ils n'étaient pas assez acides.

Autrement dit, tout est question d'équilibre sucre-acidité. Tout cela faisant qu'on peut très aisément se fourvoyer avec les vins allemands et croire qu'ils sont secs selon les normes reconnues ailleurs. (À savoir qu'un vin sec doit contenir moins de 4 grammes de sucre résiduel par litre.)

Quand même, comment expliquer que l'Allemagne produise désormais bon nombre de vins blancs «secs», alors qu'elle est connue depuis fort longtemps pour ses vins de Riesling d'une teneur en sucre bien perceptible?

«Il y a toujours eu des vins secs en Allemagne», expliquait sur place Balthasar Ress, de la maison du même nom, dans le Rheingau. Cependant, ajoutait-il, et surtout depuis le milieu des années 80, le virage vers le vin «sec» s'accentue.

Et ceci, principalement à cause de la demande et donc des pressions du marché.

«Tout ce qui reste sous 8 ou 9 grammes de sucre par litre peut être sec», disait donc Balthasar Ress.

Directrice des ventes de la maison Schloss Reinhartshausen, aussi dans le Rheingau, Andrea Beslich faisait observer la même chose à l'occasion d'une dégustation des vins de ce domaine. «Pour nous, disait-elle, entre 6,5 et 8 grammes de sucre par litre, c'est sec. Vous ne verrez jamais ici un vin de moins de 4 grammes de sucre.»

Le réchauffement climatique, dont les Allemands parlent d'abondance, change aussi beaucoup de choses pour ce vignoble, ou même les complique. Ainsi, les teneurs en sucre du raisin ont tendance à augmenter, d'où souvent des degrés alcooliques élevés, et inusités pour ce pays.

«Certaines années, il faut vendanger plus tôt pour ne pas avoir des degrés de 14% comme en 2003, signalait Tom Benns, de la maison Dr. Bürklin-Wolf, dans le Palatinat (Pfalz, en allemand). Parfois, on obtient un degré alcoolique élevé dans le Riesling qui peut, en même temps, ne pas être parfaitement mûr. Des cépages comme le Cabernet Sauvignon mûrissent ici, désormais, comme dans le sud de la France.»

Théoriquement, la mention «trocken» figurant sur l'étiquette signale qu'il s'agit d'un vin «sec». Mais comme je le signalais plus haut, même des vins dits «trocken» peuvent laisser en bouche une nette impression de sucré.

Problème que posent les vins allemands plus ou moins sucrés: on ne sait jamais trop avec quoi les boire...

Exemple (mais il y en a peu, comme pour à peu près tous les autres vins allemands vendus au Québec), le Eitelsbacher Marienholz 2005 Riesling Kabinett Bischfölichen, peu coloré, au bouquet d'ampleur moyenne et aux notes d'agrumes bien Riesling, plutôt léger et pourvu de toute l'acidité voulue pour donner à croire qu'il ne renferme qu'environ 7 ou 8 grammes de sucre résiduel, alors qu'il en contient en réalité... 42 grammes, selon le service de contrôle de la qualité de la SAQ (43 caisses disponibles).

S, 10228877, 18,85$, ***, ou 16 sur 20, $$, 2008-2012

Le message de l'étiquette: le vin provient du village de Eitelsbach et d'un vignoble nommé Marienholz, alors que le degré alcoolique est de 10,5%, son producteur étant le domaine Bischöflichen.

Plus riche en alcool (12,5%) et plus sec (7,8 grammes de sucre résiduel), le Zeltinger Sonnenuhr 2005 Riesling Spätlese Trocken Selbach-Oster se présente avec un bouquet très mûr, épanoui, relevé par une petite note de fruits exotiques, genre ananas. Même maturité, même richesse sur le plan gustatif que ce qu'annonce le bouquet. Très bon également (32 caisses).

S, 904243, 26,30$,***, 16,7 sur 20,$$$,2008-2014

Avec quoi boire ce dernier? L'essayer par exemple avec du saumon, des fromages, ou encore des plats de cuisine asiatique, lesquels s'accommodent bien des vins allemands, suggère le sommelier Jean-Philippe Lefebvre, lequel est également l'agent du domaine Selbach-Oster.

L'autre vin pourra aussi accompagner les mêmes plats.

La recommandation de la semaine

D'un très bon millésime pour les blancs de Bourgogne, le Bourgogne Aligoté 2006 Jaffelin, au bouquet tout en fruit, alléchant, et qui n'est pas sans rappeler... les vins de Chablis même s'il n'y entre que de l'Aligoté, est un vin blanc plutôt léger, aux saveurs franches, relevées par un peu de gaz carbonique, et qui pourra faire un très bon apéritif ou accompagner des poissons ou des fruits de mer (1663 caisses).

C, 053868, 15,95 $, ** 1/2, $ 1/2, 2008.

Dégustés pour vous

Filzener Herrenberg 2005 Riesling Spätlese Weingut Edmund Reverchon. Vin blanc peu alcoolisé (8,5 %), au bouquet expressif, très mûr, très Riesling, riche en sucre (73 grammes), qu'on voudrait boire... par le nez ! Long en bouche, très bon, mais, m'a-t-il semblé, plus généreux que fin, on le servira en digestif, ou sur les fromages, ou encore avec un gâteau peu sucré genre quatre-quarts (65 caisses). S, 10225481, 28,25 $, ***, 16,5 sur 20, $$$ 1/2, 2008-2013.

Hattenheimer Schützenhauss 2006 Riesling Kabinett Balthasar Ress. Même style, plus ou moins, que le précédent, très Riesling lui aussi, moins riche en sucre résiduel (38 grammes) mais un peu plus alcoolisé (10 %), équilibré, et qui pourra accompagner les mêmes plats que le précédent. À prix plus doux (52 caisses)... S, 10244551, 18,05 $, ***, 16,7 sur 20, $$ , 2008-2013.

Anjou 2005 Château de la Roulerie. Beau vin blanc de Chenin blanc de la Loire, au bouquet bien mûr et de bonne ampleur, de fruits confits. Ample, généreux (un peu boisé, selon la SAQ, mais on ne le perçoit aucunement), il a du corps et de l'éclat et évoluera en beauté (150 caisses). S, 10906666, 24 $, ***, $$ 1/2, 2008-2014.

Les frais de ce voyage ont été payés par l'Institut des vins allemands et le consortium VDP.