Avec l'arrivée de l'épais manteau blanc sur une bonne partie du Québec, et des froides soirées qui viennent avec, le temps des plats généreux ou longuement mijotés est bel et bien de retour. Et qui dit cuisine d'hiver dit vins de soleil. Eh oui! la chaude lumière estivale de l'astre brillant étant captée par le raisin, elle se retrouve prisonnière des plus belles cuvées du midi de la France, pour ainsi nous être restituée en cette période chiche de lumière. Et c'est justement ce surplus de chaleur qui donne aux vins, dont les raisins en ont été baignés, leur épaisseur veloutée et leurs généreuses saveurs qui siéent si bien aux recettes gourmandes et réconfortantes de cette période d'avant et d'après le solstice d'hiver.

Certains plats hivernaux sont tout de même moins corpulents, tout en étant très parfumés et subtilement épicés, comme c'est le cas du célèbre hachis Parmentier, rehaussé pour l'occasion aux quatre épices, tout comme du ragoût d'agneau, aussi relevé du même mélange épicé asiatique. Donc, pour réussir l'harmonie, il faut opter pour un rouge doté d'un généreux satiné de texture, ainsi que de subtiles tonalités aromatiques, telles que le girofle, la prune et la lavande. Ce à quoi répond l'on ne peut plus invitant et raffiné Granaxa 2006 Minervois, Château Coupe Roses, France (22,75$; 862 326).

 

Si vous êtes plus porté sur le pénétrant jarret d'agneau confit, escorté d'une poêlée de champignons, recherchez plutôt l'une des références absolues du Roussillon, c'est-à-dire le remarquable Clos des Fées «Vieilles Vignes» 2006 Côtes-du-Roussillon-Villages, Hervé Bizeul, France (45$; 10 819 600). Après un 2005, d'une grande race et à la bouche explosive, Hervé Bizeul récidive avec un 2006 à la fois éclatant et suave, au nez d'une grande richesse (cerise noire, prune, violette), et imprimant en bouche son touché d'un velouté de texture unique, terminant dans une grande allonge d'un charme fou.

Vous pourriez aussi choisir, pour un prix plus invitant, mais de niveau plus qu'acceptable pour son rang, le Château Coupe Roses «Les Plots» 2006 Minervois, France (19,45$; 914 275), qui se montre, à l'image du Clos des Fées, d'un charme aromatique immédiat, engageant au possible, à la bouche à la fois ample et coulante, pleine et soyeuse. Comme les saveurs expressives de ce dernier jouent dans la sphère du cuir, du cacao et de la figue séchée, vous pourriez aussi le prévoir sur un ragoût de boeuf à la bière noire (animale et cacaotée à souhait, soit dit en passant) et aux oignons caramélisés.

Pour vos recettes de côtelettes d'agneau marinées au porto, rehaussées de thym, ainsi que celles de tranches d'épaule d'agneau sautées au poivre noir et aux poivrons verts et rouges parfumés de paprika -ou au fumé et prenant pimentón espagnol-, optez pour un languedocien qui se montre tout aussi aromatique et parfumé, complexe et riche.

Ce qui est le cas du coup de coeur qu'est le Château de Sérame 2006 Minervois, Dourthe, France (22,95$; 10 516 924). Sa palette d'arômes, aux nuances de poivre, de thym -sachez que la saveur de la chair de l'agneau est dominée par le thymol, qui est la même molécule qui signe l'identité du thym, tout comme de ce vin-, de romarin et de pivoine, avec une arrière-scène à la fois boisée et mentholée, tout comme sa bouche aux tannins fins et quasi enveloppés, à l'acidité en retrait, qui laisse place à de la texture, ainsi qu'aux saveurs qui se font persistantes, permettent l'accord avec ces deux types de plats.

Pour demeurer dans les aubaines méridionales, ne manquez pas le corbières du Château de Sérame 2006 Corbières, Dourthe, France (17,65$; 10 507 121). Ce qui vous permettra de faire la paire avec le minervois du même domaine proposé précédemment, tout en créant l'harmonie entre d'originales côtes levées, à la cannelle et au curry de vin rouge, et ce fin et expressif corbières qui déploie des notes de sous-bois, de garrigue (thym, romarin), d'épices (cannelle, girofle, poivre), de réglisse et de cuir. L'union est aussi belle et inspirante avec le désormais classique de di Stasio qu'est le braisé de boeuf à l'anis étoilé.

Enfin, si vous aimez la cuisine rehaussée d'olives noires ou de poivre de diverses origines, comme le carré de porc aux olives noires et au poivre de Sichuan rouge, remplissez vos verres d'un rouge d'assemblage dont les parfums sont littéralement dominés par la présence de la syrah, comme dans le gourmand Bronzinelle 2006 Coteaux du Languedoc, Château Saint-Martin de la Garrigue, France (17,95$; 10 268 588). Un vin très aromatique, on ne peut plus marqué par l'olive noire et le poivre du Sichuan, à la bouche enveloppante et éclatante, d'une belle allonge laissant des traces poivrées à souhait. Sachez qu'il se montre encore plus festif en bouche si vous lui servez un hamburger d'agneau, garni généreusement de pommade d'olives noires et de poivre rose. Allez, mettez le soleil du Midi dans vos verres, et à samedi prochain.

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François Chartier est l'auteur du nouveau guide des vins La sélection Chartier 2009, aux Éditions La Presse. On peut lui envoyer des questions par le blogue Internet www.francoischartier.typepad.com ou par la poste au 7, rue Saint-Jacques, Montréal H2Y 1K9