La discorde règne au sein des vignerons d'Alsace. Et le sujet de la dispute a un nom: sylvaner.

Ce cépage autrefois prisé en Alsace est relégué aujourd'hui au rang des marginaux. Et tant qu'à voir son prix à la baisse, certains voudraient le voir disparaître.

«Il est vrai que le sylvaner est le premier de la gamme des cépages alsaciens. Autant du côté de sa complexité que de son prix», expose Jean-Victor Schutz, du Domaine Ruhlmann.

Au cours des quarante dernières années, la superficie du sylvaner sur le vignoble d'Alsace a drastiquement chuté. Elle est passée de 27% du vignoble en 1969 à 8,6% en 2009. Et le recul du sylvaner se fait au profit des pinots: gris, blanc et noir. Des cépages dont les prix sont plus avantageux pour les négociants.

Car le mécontentement provient de ceux qui vendent le vin. «Certains vignerons ont arrêté de vendre du vin et vendent le raisin à des maisons de négoce. Cette maison vinifie et commercialise le produit. Donc, le kilo de sylvaner est toujours payé un petit peu moins que les autres cépages. Normal, c'est l'entrée de gamme!», explique Schutz.

Deux options sont avancées pour résoudre le problème: faire disparaître le sylvaner ou augmenter ses rendements.

La première option préoccupe l'agronome et gardien des cépages à l'Institut Français de la Vigne et du Vin, Olivier Yobrégat.

«Envisager son éradication, dit M. Yobrégat, c'est inquiétant ! Et ce l'est aussi pour la diversité des goûts.»

Quant à la deuxième option, elle ne fait pas l'unanimité. Le président de l'Association des viticulteurs d'Alsace (AVA), Gérard Boesch croit que le sylvaner doit rester un cépage marginal, mais que l'on doit en faire un produit haut de gamme.

D'autres, comme Jean-Victor Schutz, producteur d'un des trois seuls vins alsaciens (100% sylvaner) disponibles au Québec, estime plutôt qu'il faut augmenter les rendements pour conserver ce vin accessible à tous.

«On ne peut pas mettre tous les vins au même niveau. Il faut un vin pour les différents porte-monnaie, dit M. Schutz. Tout le monde ne dépense pas toujours 22 ou 23 dollars pour un vin comme pour le gewurztraminer.»

L'idée de M. Schutz est nette. «S'il disparaît, dit-il, ce sera un autre cépage qui prendra la position d'entrée de gamme et qui sera à son tour menacé.»

Le sylvaner n'est pas le seul cépage du vignoble d'Alsace à accuser un recul. Pour le chasselas, son compte est presque réglé, constate le directeur de l'AVA, Frédéric Bach. Il ne reste plus que 97 hectares de vigne de chasselas en Alsace. Soit un recul de  90% en 40 ans.

Le sylvaner:

- est né d'un croisement entre le savagnin (cépage du Jura) et le Oesterreichisch-Weiss (un blanc d'Autriche)

- existe un seul Grand cru de sylvaner depuis 2005 : Alsace Grand Cru Zotzenberg

- est cultivé aussi en Allemagne, en Autriche, en Italie, en Suisse et en Hongrie.

Le regroupement des vins d'Alsace le décrit comme un vin frais et léger, avec un fruité discret. Il accompagne les fruits de mer, les poissons et les charcuteries.