Le gouvernement conservateur hongrois, très sourcilleux sur les droits de la minorité magyare de Roumanie, s'est lancé dans une polémique aux accents identitaires avec le géant néerlandais Heineken, qui conteste l'appellation d'une bière brassée au sein de cette communauté.

Le ton n'a cessé de monter depuis que Heineken Roumanie a remporté un procès contre une petite manufacture de bière installée dans la partie orientale de la Transylvanie roumaine, majoritairement peuplée de Hongrois.

Jeudi, le chef de cabinet du Premier ministre Viktor Orban, Janos Lazar, a accusé le brasseur néerlandais d'avoir une attitude «injuste, indigne et anti-hongroise». «Tous les Hongrois devraient s'unir contre cela», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse.

L'objet du litige est une petite marque de bière artisanale baptisée Csiki, produite en «terre des Sicules», la région où vit une partie des Hongrois de Roumanie auxquels cette boisson est identifiée.

Heineken a récemment obtenu d'un tribunal roumain que le nom Csiki soit interdit pour ce produit, car il ressemble trop, selon la justice, à la marque Ciuc vendue par Heineken en Roumanie depuis 2003.

Résultat de l'histoire et du partage des empires, quelque 1,2 millions de Hongrois vivent en Roumanie, la plus importante minorité de ce pays de 20 millions d'habitants. Elle est représentée politiquement par l'Union démocratique des Magyars de Roumanie (UDMR), qui a fait partie de plusieurs gouvernements.

Le gouvernement de Viktor Orban, au pouvoir depuis 2010, a régulièrement alimenté le sentiment identitaire des populations magyarophones vivant hors des frontières, également en Slovaquie, en Serbie, en Croatie et en Ukraine.

Le chef de cabinet du Premier ministre s'est rallié la semaine dernière à un appel au boycott des produits de la marque Heineken lancé par le parti hongrois d'extrême droite Jobbik. Les organisateurs du festival hongrois de musique métal RockMaraton ont annoncé qu'ils ne vendraient pas la marque de bière Soproni, produite par Heineken, lors de leur édition estivale.

Directrice générale du brasseur néerlandais, Jose Matthijsse a estimé dans une entrevue au journal hongrois HVG que le boycott n'était «pas la bonne façon» de résoudre ce litige et pouvait mettre en danger des emplois en Hongrie.

Le fabricant de la bière Csiki veut lui porter l'affaire devant la justice européenne.

Fin 2016, le ministère hongrois des Affaires étrangères avait interdit à ses diplomates d'assister à la fête nationale roumaine, le 1er décembre, une première qui avait suscité une crispation entre les deux pays.