Forte d'une centaine d'établissements, Rhône-Alpes est la région qui compte le plus de micro-brasseries en France, incarnant l'essor de la bière artisanale qui séduit de plus en plus d'amateurs «locavores».

«Les consommateurs se dirigent de plus en plus vers une consommation locale et la région Rhône-Alpes a toujours été dynamique dans le secteur des métiers de bouche», souligne David Hubert, président de l'association Biera qui réunit une trentaine de brasseurs rhônalpins.

Depuis une quinzaine d'années, les micro-brasseries - qui produisent moins de 200 000 hectolitres (hl) par an - se multiplient en France, avec une cinquantaine de créations par an: on compte aujourd'hui 600 brasseries artisanales en France, dont 91 en Rhône-Alpes, précise Pascal Chevremont, délégué général de Brasseurs de France. La production régionale est de 60 000 hl, vendus localement pour un chiffre d'affaires de 17 millions d'euros.

«Aujourd'hui, il existe vraiment en France un engouement pour découvrir de nouvelles bières», remarque M. Hubert, également directeur du pôle boisson du Ninkasi, l'un des plus gros brasseurs rhônalpins. Ne pesant que 2 à 3% du marché en France, les brasseries artisanales «ne concurrencent pas la production industrielle, mais proposent une alternative à une consommation standardisée», ajoute-t-il.

Micro-brasseur installé à l'Arbresle (Rhône), Julien Deplanche ambitionne de fabriquer «une  bière qui n'existe pas ailleurs». Amateur de mousse, cet ancien salarié en logistique a commencé à brasser chez lui avant de s'installer à son compte en 2011 et de créer la brasserie Prisca, du prénom de son épouse.

Développer la culture du houblon

«C'est un métier dur physiquement. On est toujours en train de porter des sacs, des fûts. Si l'on n'a pas la passion, on ne tient pas longtemps», souligne ce producteur de 140 hl/an. Chaque année, deux à trois brasseurs jettent l'éponge en France, selon M. Hubert. «Ce n'est pas la poule aux oeufs d'or», ajoute M. Deplanche qui vend principalement aux particuliers, aux associations, cavistes et hypermarchés locaux, pour un salaire d'à peine le Smic.

Pour structurer leur filière, les brasseurs rhônalpins ont par ailleurs commencé à se pencher sur la création d'une filière de production de houblon. «On veut réimporter des cultures de houblon dans la région. Nous regardons actuellement si le projet est viable économiquement», explique M. Hubert.

Quelques brasseurs fabriquent déjà leur bière à partir de leur propre orge, à l'instar de Patrice Pobel, installé dans l'Ain. «Ce que je trouve magique, c'est de transformer la matière première en commençant par semer le grain», déclare le père de la «Thou» qui a remporté le prix de meilleure bière «pale» du monde en 2013.

«J'ai commencé en 2005 dans ma cuisine en faisant trois litres de bière», témoigne ce brasseur de Pont d'Ain qui produit aujourd'hui 600 hl/an et a embauché quatre employés.

Si aujourd'hui ses principaux clients sont les cavistes locaux, il ambitionne d'augmenter sa production dans le but d'exporter, mais «pas au détriment de la qualité»: «je brasse ma bière comme je fais la cuisine à ceux que j'aime. Je ne veux pas vendre mon âme au diable».

L'avenir des micro-brasseries dépendra «de leur capacité à se développer, mais pour lors, un certain nombre a renoncé à investir pour rester sur le créneau local», confirme M. Chevremont, quand les plus gros lorgnent sur l'étranger, à l'instar de Ninkasi qui compte exporter en Italie.

«On a un bel avenir devant nous», souligne M. Hubert, évoquant l'exemple du marché américain où la bière artisanale pèse 16% du marché.