Les Brasseries Kronenbourg s'apprêtent à lancer une nouvelle offensive sur le terrain du goût à l'occasion de leurs 350 ans d'existence, en inaugurant mardi un centre de recherche dédié à la bière.

L'entreprise alsacienne du groupe Carlsberg, engagée dans une guerre féroce avec le groupe néerlandais Heineken, a mis en place ce «Centre européen de recherche et développement» sur son site de production, à Obernai (Bas-Rhin).

Hormis quelque 4700 m2 de bureaux, le bâtiment, déjà fonctionnel, abrite une micro-brasserie, des laboratoires de tests, contrôlant le comportement des levures, la traçabilité des ingrédients, la résistance des bouteilles, et un «centre d'essais sensoriels».

Environ 60 salariés, dont une quinzaine de maîtres-brasseurs - et brasseuses -, y sont chargés d'élaborer de nouveaux brassins, ingrédient-clé des breuvages de demain.

Le centre d'Obernai sera secondé par le centre Carlsberg de Copenhague qui dispose notamment d'une base de données de 10 000 levures de bière.

Le groupe danois Carlsberg, qui a acquis Kronenbourg en 2008, attend beaucoup de cet investissement de 30 millions d'euros. D'autant qu'Heineken a récemment investi 9,5 millions d'euros pour moderniser son site de Mons-en-Baroeul, près de Lille.

Le groupe espère ainsi inverser la tendance, alors que ses marques phares en France - Kro, 1664 et Grimbergen - sont impactées par le recul du marché dans l'Hexagone (-3% sur un an), après la hausse de 160% du droit d'accise, la taxe sur la bière.

Avec son nouvel outil de veille, Kronenbourg espère aussi contrer son rival néerlandais qui affirme dominer le marché français avec 17,3% en volume contre 16,2% pour la version classique de la Kro.

La Chine en ligne de mire

Au pied des cuves de fermentation de la micro-brasserie, Jean-Yves Malpote, directeur stratégique du centre, effrite de ses doigts une fleur de houblon. «Tout le processus c'est la transformation de l'orge en malt. De l'orge au sucre, ça fait du caramel et les malts torréfiés donnent des arômes chocolatés. C'est comme une peinture, il n'y a que quelques couleurs qui changent», explique-t-il.

L'entreprise fondée en 1664, qui revendique la paternité de la cannette de 25 cl et de la capsule à vis, ne cache pas sa soif de nouveaux marchés.

Elle compte bien faire de «la Kro», symbole autoproclamé du «Made in France», une bière moderne, pour monter en cadence et dépasser ses 7 millions d'hectolitres de production annuelle.

Et surfer sur la vague des sodas et de la restauration rapide, en mettant moins d'amertume et plus de douceur et de fruité dans ses canettes.

Une nouvelle offre qui répond à une demande notamment des «zappeurs de bières», de plus en plus nombreux, mais pas des vrais amateurs, souligne le biérologue Jean-Claude Colin. Le journaliste y voit cependant «le retour de Kronenbourg à la bière avec un grand B».

L'initiative de Carlsberg montre «qu'on est passé au-delà du petit labo de test, en entrant dans une course à la création de produits», analyse le fondateur du Mondial de la bière, une manifestation qui se tient chaque année à Mulhouse (Haut-Rin) et Montréal.

Ce centre «peut faire ricaner les micro-brasseries (500 recensées en France pour 2,5% de part de marché). Mais on a besoin des gros, des moyens et des petits», souligne-t-il.

Kronenbourg devra étoffer la gamme de la maison mère qui dans cette guerre face à Heineken (Heineken, Desperados, Pelforth, Affligem, Fischer...) affronte également le consortium belgo-brésilien Anheuser-Busch InBev (Budweiser, Leffe...).

À Obernai, la machine de guerre est, semble-t-il, déjà en marche. Après la Skoll, aux arômes de vodka et d'agrumes, l'entreprise a lancé en février la «K», une bière fruitée ciblant les jeunes consommateurs.

Et d'affirmer son appétit pour le marché chinois, en axant ses recherches sur le sucré-amer.

Kronenbourg fabrique 40% de la bière produite en France, selon le groupe. Il emploie 1250 salariés pour un chiffre d'affaires de 932 millions d'euros (1,39 milliards $CAN) en 2013.