Blonde, blanche, triple et triple spéciale: déclinée en quatre variétés, la Science Infuse, est une bière dont la particularité est d'être produite et commercialisée par l'université de La Rochelle qui délivre à ses étudiants un diplôme «d'opérateur de brasserie».

> Sur le web: le site de la Science Infuse

Alors que le secteur des microbrasseries connaît un regain de forme depuis quelques années, ce diplôme universitaire (DU) a été mis en place en 2007 et est remis au terme d'un mois de formation continue. Il dépend du département de biotechnologies et dispense les savoirs fondamentaux nécessaires au métier de brasseur, explique Frédéric Sannier, professeur de biochimie et initiateur de la formation.

Pour l'essentiel, le DU s'adresse à deux profils de candidats: les professionnels, soucieux d'améliorer leur technique brassicole; les particuliers, qui ont déjà tâté du brassage en amateur et veulent acquérir le bagage scientifique et technique pour lancer leur propre activité.

Les cours proposent théorie et pratique, les participants se frottant à la complexité du brassage, entre contrôle du pH, filtrage du mout et lavage des drêches...

La formation, qui accueille une quinzaine de personnes chaque année en mars, a rapidement gagné en renommée: en 2013, 70 dossiers ont été déposés. Devant un tel succès, une seconde session aura lieu en mai-juin, selon M. Sannier.

C'est ce dernier qui a imposé en 1999 la bière comme outil pédagogique. «On voulait illustrer une grande filière agroalimentaire» et proposer aux étudiants en biotechnologies une approche ludique et pédagogique de la science, explique le Pr. Sannier. Le choix de la bière fait vite consensus, sa fabrication étant à la croisée de plusieurs disciplines, de la microbiologie à la biochimie en passant par marketing ou le génie des procédés.

L'idée débouchera sur l'élaboration d'une bière, la Science Infuse, déclinée en quatre variétés.

Longtemps dotée d'une modeste «brasserie pilote» de 100 litres, l'université a investi en 2011 dans une brasserie de 100 hectolitres et dispose d'une chaîne d'embouteillage. En 2012, la Triple a décroché au Salon de l'agriculture la médaille d'argent du concours général, catégorie «bière blonde de fermentation haute». La même année, sa production grimpe à 24 000 bouteilles de 33 cl.

La Science Infuse, commercialisée dans la région de La Rochelle, «nous sert essentiellement d'outil de communication», l'argent récolé étant réinvesti dans la plateforme brassicole de l'université, insiste M. Sannier.

Brasseur à Bordeaux, Andy Allen a suivi le DU rochelais en 2012. «J'étais déjà brasseur depuis cinq ans mais je voulais aller plus loin dans le côté scientifique», explique cet Anglais de 32 ans, qui loue «l'excellence» d'une formation qui lui a permis «d'améliorer (sa) pratique».

Dans la promo 2013, Benjamin Fleury, brasseur amateur de 27 ans, dit rechercher une pratique brassicole moins empirique, plus rationnelle. Auto-entrepreneur, cet ancien chef de projet dans le secteur des pneumatiques a créé sa propre microbrasserie à Clermont-Ferrand où il a d'ores et déjà trouvé des clients. À l'inverse, Romain Biscan, 34 ans, n'avait aucune expérience du brassage. Mais cet ex-conseiller en création d'entreprise dit avoir bien balisé son projet de microbrasserie dans le Gers en menant une étude de marché.

Tout deux ont en commun d'avoir quitté leur emploi pour changer d'activité, dans un contexte économique et social morose. «Il y a des débouchés», notamment dans le secteur des microbrasseries, en regain de forme ces dernières années, martèle Frédéric Sannier.

Moribond dans les années 80, avec une vingtaine de brasseries, le secteur en compte actuellement 510, toutes tailles confondues, loin derrière les 3000 qui existaient en France en 1914, note Pascal Chèvremont, délégué général de l'Association des brasseurs de France (107 adhérents).

Mais, indéniablement, les brasseries connaissent, «depuis 3, 4 ans», un net regain d'activité avec une cinquantaine de créations d'entreprises chaque année, confirme-t-il. «On assiste à une renaissance des microbrasseries» et «il y a un vrai besoin de compétences techniques»: des formations comme celles de La Rochelle ou encore la Licence Pro de brasserie de l'Université de Lorraine, à Nancy, «accompagnent» ce mouvement, se félicite-t-il.