Bière, hamburgers et rock'n roll: la formule à l'origine de son succès a été depuis largement copiée, mais la chaîne lyonnaise Ninkasi continue d'innover, en lançant, avec de grandes ambitions, son propre whisky.

«C'est un très gros enjeu pour nous», reconnaît son fondateur Christophe Fargier, interrogé par l'AFP là où tout a commencé en septembre 1997: le vaste bar-restaurant-salle de spectacles situé devant le stade de Gerland.

Depuis ses débuts, Ninkasi se distingue de ses rivaux restaurateurs en brassant sa propre bière. Avec la volonté d'être «créatif»: «chaque mois, nous proposons de nouvelles recettes», souligne M. Fargier.

Ce fut d'abord sur son site originel lyonnais, un ancien garage industriel. Puis, à partir de 2015, à Tarare, une ville distante d'une quarantaine de kilomètres disposant d'une eau très douce (à l'origine de sa spécialisation historique dans la teinturerie). C'est aussi à Tarare que l'entreprise a commencé il y a trois ans à distiller son whisky, en utilisant sa propre bière comme matière première.

Un produit plus compliqué que le gin ou la vodka que le groupe fabrique déjà, car il nécessite un vieillissement en fûts.

Les premiers échantillons seront disponibles en précommande à l'occasion du Lyon Whisky Festival, fin novembre. «Ce sera encore très confidentiel», reconnaît M. Fargier.

Ces whiskies initiaux seront tous différents en raison de l'extrême variété des vieux fûts utilisés, qui leur donnent leurs arômes. Mais Ninkasi compte passer rapidement à la phase industrielle et à une plus grande standardisation.

Haut de gamme

À ce jour, Ninkasi dispose de 150 fûts de 220 litres d'alcool. Quelque 200 fûts seront distillés en 2019 et 2000 en 2022. Avant même cette date, le groupe disposera d'un stock suffisant pour composer des assemblages, gage d'un goût constant bouteille après bouteille.

Un projet «très ambitieux», souligne Philippe Jugé, directeur de la Fédération du whisky de France, puisqu'il nécessite nouveaux alambics et nouveaux chais. «S'ils y arrivent, ils seront largement la première distillerie française».

«On va faire partie des plus belles», promet simplement M. Fargier.

L'entrepreneur veut sortir un produit haut de gamme, vendu autour de 40 euros (60 $) la bouteille de 50 centilitres. «On distille de manière très délicate et on a récupéré des tonneaux de très grande qualité».

Stéphanois, fils de médecin, Christophe Fargier a eu très tôt l'envie de fonder sa propre entreprise. Un ami américain, originaire de Portland en Oregon, lui fait découvrir l'univers des microbrasseries. Après ses études de commerce, le jeune homme passe un an à Chicago pour se former à la fabrication de la bière.

Les débuts à Gerland ont été «un peu difficiles, mais la Coupe du monde football de 1998 nous a fait un bien énorme», se rappelle-t-il.

Aujourd'hui, à 49 ans, Christophe Fargier est à la tête de 16 établissements: le vaisseau amiral de Gerland et 15 sites plus petits, de 300 à 400 mètres carrés, pouvant accueillir de 100 à 150 personnes. Viandes, pains, pommes de terre... qui y sont servis sont achetés à des producteurs locaux.

Déesse sumérienne

En 2017, le groupe a, à la fois, fait le choix de se développer en franchise et d'ouvrir son capital à un groupe d'industriels locaux.

Objectif: devenir le leader du marché régional. Le potentiel y est évalué à une quarantaine d'établissements.

«On a des villes qui nous demandent de venir nous implanter chez elles car on amène de la vie», relève M. Fargier.

Ninkasi va ouvrir à la fin de l'année un site dans le quartier de la Part-Dieu et s'intéresse de très près à Grenoble et Clermont-Ferrand.

Avant un lancement national ? «Nous en discutons en interne, mais ce n'a pas été tranché».

Le groupe, qui tire son nom de la déesse sumérienne de la bière, a réalisé au cours de son exercice clos fin septembre un chiffre d'affaires de 24 millions d'euros, qu'il ambitionne de porter à 35 millions dans les deux ans.

Il emploie près de 300 personnes, à plus de 90 % en CDI, précise M. Fargier, qui se dit «très soucieux de la qualité des emplois» offerts.

Une part de 60 % de la production de l'entreprise est déjà vendue en dehors de ses restaurants, en grande distribution, dans les commerces spécialisés et auprès d'associations. Proportion qui devrait encore croître.

«On commence à avoir des marques qui veulent nous distribuer nationalement», comme Monoprix, affirme le dirigeant.