Les algues, on ne fait pas qu'en manger: on en boit aussi. Dans le gin de la Distillerie du St. Laurent, entre autres, qui a décidé d'explorer le terroir marin du Québec pour se distinguer.

Il existe probablement autant de recettes de gin qu'il y a de distillateurs. Ce qu'il faut, c'est trouver la combinaison, l'ingrédient qui lui donnera ce je-ne-sais-quoi d'unique pour se distinguer sur les rayons. Une équipe du Bas-Saint-Laurent a misé sur l'algue, produit d'un terroir marin méconnu. Les consommateurs leur donnent raison.

La teinte est subtile, mais bien présente. Les bouteilles de gin St. Laurent soigneusement alignées sur le présentoir contiennent toutes un liquide aux reflets verts. Parfois plus vifs, parfois plus pâles, témoins de l'ajout d'un ingrédient hors du commun dans le gin distillé à Rimouski : des paillettes d'algues récoltées dans le fleuve, à quelques dizaines de kilomètres de là.

Ces reflets sont jolis, mais ce n'est pas pour ça, tant s'en faut, que la Distillerie du St. Laurent utilise des algues. C'est pour leur goût, si distinctif.

«Notre gin est l'un des rares qui ne sont pas sucrés, mais plutôt salés, comme le fleuve», explique Jean-François Cloutier, cofondateur de la distillerie et responsable de la production.

Jean-François Cloutier et son partenaire, Joël Pelletier, cherchaient encore une graine de génie pour leurs alambics quand ils ont fait l'essai des paillettes de kombu séché, au hasard d'une rencontre avec des cueilleurs d'algues. Bingo: ce goût légèrement fumé, fort en iode, était ce qu'ils cherchaient pour se démarquer tout en s'ancrant dans le terroir québécois puisque cette grande algue brune, qui ressemble à des feuilles de lasagne géantes, est particulièrement abondante dans le Saint-Laurent, de Rimouski à Gaspé. 

Il n'y avait alors, en 2015, que deux distillateurs utilisant des végétaux marins pour parfumer le gin et ils étaient installés en Écosse. Et même si l'utilisation des algues s'est un peu répandue depuis, Jean-François Cloutier et Joël Pelletier sont encore les seuls à l'employer en distillation au Québec.

Photo Bernard Brault, La Presse

Jean-François Cloutier, cofondateur de la Distillerie du St. Laurent et responsable de la production

Six mille bouteilles par mois

Dans leur atelier d'un quartier industriel de Rimouski, Joël Pelletier et Jean-François Cloutier produisent maintenant dans leur nouvel alambic Papa Wong quelque 6000 bouteilles par mois de ce gin aux algues. Les épices plus «classiques» - baie de genièvre, coriandre, angélique, citron, orange amère, réglisse, casse - sont infusées à chaud avec l'alcool pendant quelques heures, alors que les algues séchées sont macérées à froid.

«On garde ainsi les minéraux qui donnent l'umami à notre gin», explique Jean-François Cloutier à propos de cette cinquième saveur qui aurait la capacité de rehausser les autres (c'est d'ailleurs avec le kombu que l'on prépare, au Japon, le dashi, un bouillon à la base d'une multitude de plats, très riche en umami). Une fraction de cette production sera mise à vieillir dans d'anciens fûts de chêne pour le whisky, pendant un an. Ces cuvées sont celles qui affichent les teintes de vert les plus vives.

N'empêche que même si elle a connu beaucoup de succès grâce aux algues - quelque 100 000 bouteilles de gin aux algues ont été écoulées à ce jour -, la Distillerie du St. Laurent se tourne maintenant vers des produits sans algues. Cette pionnière des microdistilleries du Québec commercialise depuis l'an dernier un whisky de maïs blanc, le Moonshine, et a lancé en 2017 la production d'un whisky vieilli trois ans en fût de chêne, dont les premières bouteilles pourront être dégustées en 2020.

Photo Bernard Brault, La Presse

Outre son fameux gin, la Distillerie du St. Laurent se tourne maintenant vers des produits sans algues. Depuis l'an dernier, elle commercialise ainsi un whisky de maïs blanc, le Moonshine, et a lancé en 2017 la production d'un whisky vieilli trois ans en fût de chêne, dont les premières bouteilles pourront être dégustées en 2020.