Vendredi soir dans le bar Bósforo, l'une des mezcalerias nouvelle vague de la mégapole mexicaine. Une faune jeune et branchée déguste des verres de mezcal, servi avec des quartiers d'orange saupoudrés de sel de gusano.

Le mezcal, trop longtemps dans l'ombre de sa grande soeur la tequila, obtient finalement ses lettres de noblesse. C'est dans un restaurant de Paris que nous y avons goûté pour la première fois. À New York, le mezcal est devenu incontournable sur toute bonne carte de cocktails qui se respecte. C'est dire combien le spiritueux mexicain au goût fumé est en train de devenir tendance... et pour cause.

Contrairement à la tequila qui provient de l'agave bleue et qui est issue d'une production industrielle, le mezcal est élaboré à partir d'une grande variété d'agaves (tobasiche, espadin, madrecuixe).

Les plantes semblables à des cactus doivent être âgées - selon l'espèce - de 3 jusqu'à 15 ans (!) avant qu'on puisse les élaguer pour en retirer le coeur et les cuire de façon traditionnelle.

Depuis 1994, le mezcal a une appellation d'origine contrôlée limitée à huit États mexicains. Des producteurs ont décidé de mettre en valeur son aspect artisanal et authentique, ainsi que son goût qui varie selon le terroir, d'où l'intérêt récent qu'il suscite.

Fort d'environ 80 % de la production, Oaxaca, dans le sud-ouest du Mexique, est l'épicentre du mezcal. Le Canadien Alvin Starkman y organise des visites de distilleries. Il était dans un salon de mezcal à Seattle lors de notre visite, mais il nous a mis en contact avec son chauffeur qui nous a conduits à la distillerie Lalocura, située à Santa Cantarina Minas, à 45 minutes d'Oaxaca.

Pour le patron, Eduardo Angeles, le mezcal est une affaire de famille. « Je perpétue la tradition depuis quatre générations », lance-t-il.

Le processus de distillation consiste à cuire les coeurs d'agave (la piña) de façon traditionnelle à la manière d'un feu de camp. « Il y a 13 sortes d'agaves dans la région », explique Eduardo, en nous faisant goûter à la chair de trois sortes de coeurs cuits qui ont en effet un goût distinct. Notre préféré : l'agave sauvage Tobalá. « Il pousse dans les montagnes et il faut attendre 15 ans avant de le couper », apprend-on.

Ensuite, poursuit Eduardo, on extrait la pulpe des coeurs qui, additionnée à de l'eau, sera fermentée en alcool dans des cuves grâce aux levures naturelles.

Chez Lalocura, le jus fermenté obtenu, le moût (mosto), est ensuite distillé deux fois dans un alambic en terre cuite (et non en acier inoxydable ou en cuivre comme chez d'autres distillateurs).

Après nous avoir fait visiter ses installations, Eduardo nous invite dans sa maison pour une dégustation à même les barils en verre. « Un remède à tout », lance-t-il.

Ses produits - aux étiquettes fort jolies - ont la cote dans le pays du mezcal. Ils étaient bien en évidence sur l'ardoise du réputé Bar Bósforo, à Mexico, où nous sommes allés par hasard 10 jours plus tard.

À Montréal

À Montréal, des restaurants mexicains comme La Capital Tacos et Escondite servent des cocktails de mezcal. Le Santa Barbara en tient également à l'occasion, ainsi que des bars comme le Philémon et le 132 Bar Vintage. 

La SAQ n'importe que quelques variétés de mezcal - en vente sporadiquement -, dont le Scorpion et l'El Tinieblo. Sinon, il faut procéder par importation privée.

Sébastien Langlois, gérant-sommelier du bar Philémon, situé dans le Vieux-Montréal, est responsable pour l'agence bacchus76 de l'importation du mezcal Scorpion. Derrière son bar, il tient aussi différentes importations privées, dont Los Cuerdos (espadine) et Yuu Baal (Tobalá) en ce moment.

Il apprécie l'authenticité du mezcal. « J'aime le goût herbacé, épicé et fumé. C'est puissant et complexe selon la région de production, explique-t-il.  Avec la grande variété d'agaves et la notion de terroir, il y a un parallèle à faire avec le vin et le scotch. » 

Sébastien Langlois nous propose une recette de cocktail au mezcal que l'on peut facilement faire à la maison. Sinon, on peut l'utiliser comme spiritueux dans plusieurs cocktails classiques, dont le Bloody Caesar, la Margarita et l'Old Fashioned.

De notre côté, nous vous suggérons le livre d'initiation (malheureusement pas traduit en français) Holy Smoke ! It's Mezcal ! de John McEvoy.

¡ Salud !

Photo Émilie Côté, La Presse

Eduardo Angeles, qui gère la distillerie Lalocura, travaille de façon artisanale... jusqu'à la dégustation !

La recette: Paloma au mezcal et au jalapeño

Ingrédients

• Sel kasher

• 1,5 oz de mezcal blanc

• 3 oz de jus de pamplemousse rose frais

• 1 oz de jus de lime frais

• 1/2 oz de sirop simple

• 2 ou 3 rondelles de piment jalapeño frais

• 2 traits d'amer aromatique (bitter) Angostura à l'orange

• 1 oz d'eau pétillante

• Glaçons

Préparation

1. Tremper la moitié du bord d'un verre de type « highball » dans du sel kasher.

2. Dans un shaker, écraser les rondelles de jalapeño avec le sirop simple.

3. Ajouter le jus de pamplemousse, le jus de lime, l'amer aromatique, le mezcal, puis la glace.

4. Mixer rapidement et vigoureusement.

5. Filtrer dans le verre highball, sur glace.

6. Ajouter l'eau pétillante.

7. Garnir avec une rondelle de jalapeño et un zeste de pamplemousse.