Après le cidre de glace, Québec s'apprête à réglementer un autre produit de la pomme unique en son genre: le cidre de feu.

Ce n'est pas d'hier que l'on fabrique le cidre de feu dans les Cantons-de-l'Est. C'est au début des années 90 que Norman Lamontagne, un employé du domaine des Côtes d'Ardoise, a mis au point cette technique.

«Ce que je trouvais triste des cidres, raconte l'inventeur, c'était leur faible concentration (de saveurs). Et quand j'étais jeune, on avait une érablière. J'ai eu l'idée de faire comme pour le sirop d'érable et de concentrer le jus de pommes en faisant évaporer l'eau.»

Il en a alors fait l'expérience dans un chaudron de cuisine à la maison. Il a ainsi concentré les arômes et le sucre de la pomme non pas par le froid, comme on le fait pour le cidre de glace, mais plutôt grâce à l'évaporation de l'eau par la chaleur. Il venait d'inventer le premier cidre de feu.

Les voisins du vignoble des Côtes d'Ardoise, la cidrerie Fleurs de pommiers, se sont intéressés à ce nouveau procédé. Ils en ont acheté les droits de fabrication quelques années plus tard.

Union libre

Quatre nouveaux propriétaires sont à la tête de Fleurs de pommiers depuis 2010. L'entreprise subit depuis une cure de jeunesse: nouveau nom, nouveau logo et nouveaux projets. Désormais nommée Union libre, la cidrerie s'est donnée comme mission de faire découvrir le cidre de feu.

«On veut en devenir les ambassadeurs», explique l'une des propriétaires et responsable de la production, Anouschka Bouchard.

Mais le cidre de feu et sa fabrication ne sont toujours pas réglementés. Il est classé dans la catégorie des cidres apéritifs. L'entreprise multiplie toutefois les efforts auprès du gouvernement du Québec afin de mettre en place une définition légale de ce produit. Au domaine, on croit qu'elle verra le jour d'ici les prochaines semaines.

La recette du cidre de feu

Le cidre de feu d'Union libre est un mélange de quatre variétés de pommes: Empire, Cortland, Spartan et McIntosh. On presse d'abord les fruits et on fait bouillir le jus. Après l'ébullition, il ne restera que 20 % du liquide initial.

Ce n'est plus dans une cuisine que l'on procède à cette opération, mais dans les installations d'une érablière.

On fermente par la suite ce sirop de pommes à très basse température avec l'ajout de levures. Après plusieurs semaines, certaines cuvées seront vieillies dans des fûts de chêne américain ayant servi à l'élaboration du Bourbon, et d'autres seront laissées dans des cuves en acier inoxydable. Afin de développer de nouveaux arômes, la cidrerie utilisera bientôt d'anciennes barriques de Sauternes pour y vieillir ses cidres.

Le cidre de feu est moins sucré que le cidre de glace. Il contient autour de 80 grammes de sucre résiduel par litre, au lieu des 130 grammes minimum dans la version produite avec des pommes gelées. Cette boisson est aussi plus alcoolisée, plus de 15,5 % d'alcool. Car elle est fortifiée. Cela signifie que l'on y ajoute de l'alcool neutre ou de l'alcool de pommes pour garder le sucre et arrêter la fermentation. Mais plus pour longtemps.

«Notre but est de faire un cidre non fortifié, dit Mme Bouchard. On veut que son taux d'alcool soit naturel, entre 10 et 12 degrés. On croit au potentiel de notre produit.»

Elle précise que l'appellation cidre de feu obligera les producteurs à ne plus fortifier cette boisson. Car Union libre n'est pas la seule à commercialiser le cidre de feu. Le verger Lacroix établi à St-Joseph-du-Lac en propose également. Il est appelé «Feu sacré». On devrait bientôt en trouver dans d'autres cidreries de la province.

On a goûté...

Le cidre de feu, Union libre, élevé en cuve inox, 26 $

C'est un produit très original. Sa robe est foncée, de couleur ambrée. Au nez, on sent le caramel, la cendre, la pomme cuite et les noix de Grenoble. En bouche, on a l'impression de croquer dans des grains de sucre d'érable. On sent peu l'alcool, malgré son taux de 15,5 %. C'est équilibré et les saveurs sont persistantes sur les papilles. À servir avec des fromages ou simplement nappé sur une glace à la vanille.

Disponible sur place, au Marché des saveurs (Marché Jean-Talon), tout l'été au marché Bonsecours, et cet automne à la SAQ.