La Ville de Pointe-Claire a mis en place avant les Fêtes un système pour récupérer le liège naturel. Elle devient ainsi la première municipalité au Québec à offrir aux amateurs de vin une deuxième vie à leur bouchon.

Contrairement aux bouchons faits de plastique et aux capsules à vis, ceux de liège naturel ne sont pas récupérés dans les centres de tri. Une fois retirés de la bouteille, ils finissent presque toujours à la poubelle. Selon Recyc-Québec, quelques municipalités les autorisent dans la collecte de matières organiques, mais aucune n'en faisait la récupération. Jusqu'à ce que, l'automne dernier, Pointe-Claire s'associe à l'entreprise canadienne Recork.

«Ça ne coûte rien aux citoyens, assure la responsable des communications de la Ville, Marie-Pier Paquette-Séguin. Recork fournit les bacs pour récupérer les bouchons et paie le transport.»

La municipalité a installé quatre boîtes avant Noël dans les bâtiments municipaux les plus fréquentés. Un poids minimum de 15 livres (environ 7 kilogrammes), ce qui correspond à environ 1200 bouchons, est exigé par l'entreprise pour assurer le transport jusqu'à son centre de collecte à Calgary.

À l'autre bout du pays, l'usine de Recork tourne à plein régime. Depuis sa création en 2008, la société a transformé plus de 100 millions de bouchons de liège. Et le nombre, affiché en temps réel sur le site web de l'entreprise, ne cesse d'augmenter.

«Nous fabriquons un bloc de yoga avec 198 bouchons de vin. Nous pouvons également fabriquer des chaussures et des semelles avec environ de 25 à 50 bouchons de liège par paire, en fonction de la taille et du style», explique la responsable Janet Naylor.

Recork a été fondée par l'entreprise de chaussures Sole. Elle se présente comme la plus grande entreprise de recyclage de liège naturel en Amérique du Nord et comme un leader en matière de pratiques écologiques.

Bémol

Est-ce qu'envoyer ses bouchons à plus de 3700 km est une solution vraiment verte? Pablo Tirado Seco, associé de recherche au Centre international de référence du cycle de vie des produits (CIRAIG), y voit des avantages.

«Par rapport à l'enfouissement, le recyclage permet de récupérer la matière et éviter l'utilisation d'autres produits (probablement issus du pétrole) ou l'extraction de plus de liège vierge, donc ça peut être avantageux», convient M. Tirado Seco.

Recork utilise le système UPS carbone neutre pour le transport des bouchons jusqu'à Calgary. Elle compense également l'émission de gaz à effet de serre en plantant de nouveaux chênes-lièges. Deux pratiques «assez positives», selon le chercheur.

L'analyste en cycle de vie critique toutefois le fait que l'entreprise canadienne se base uniquement sur les émissions de GES pour calculer l'impact du recyclage du liège.

«L'impact environnemental inclut bien d'autres aspects, écrit-il dans un échange de courriels. Comme la contamination des écosystèmes terrestres et aquatiques, les émissions aériennes avec d'autres impacts [couche d'ozone, smog, etc.], l'utilisation d'eau, etc. Tel que Recork décrit ses activités [le transport et l'électricité pour le broyage], il ne semble pas y avoir d'impact supplémentaire sur ces autres enjeux environnementaux.»

Un peu plus d'un mois après la mise en place de la collecte du liège, la Ville de Pointe-Claire attend que ses conteneurs soient bien remplis avant de faire son premier envoi à la société canadienne. Selon les premières données compilées, plus de 1500 bouchons ont été déposés par les citoyens depuis la mise en place du projet.

Les amateurs de vin qui n'ont pas envie de se déplacer à Pointe-Claire pour disposer de leurs bouchons de manière écologique ont peu de possibilités. Ils peuvent les déposer dans les magasins Vinexpert Signature de Drummondville et de Saint-Hyacinthe, où les bouchons sont revendus pour de l'artisanat.

Composter ses bouchons

Gabriel Michaud, de Compost Montréal, encourage les gens à mettre les bouchons dans leur compost. Il n'y a pas de doute selon lui: le liège naturel se décompose. «La véritable question qu'il faut se poser, ajoute-t-il en entrevue, c'est combien ça prend de temps?» Selon M. Michaud, bien que certaines villes de la province acceptent le liège naturel dans les bacs bruns, les bouchons finiront peut-être au site d'enfouissement après un certain temps, si la dégradation est plus lente que celle des autres matières organiques amassées. Pour accélérer le processus et s'assurer qu'ils soient compostés, la présidente du Conseil canadien du compost, Susan Atler, suggère de couper les bouchons en petits morceaux.