Le marché du vin bio devrait quasi doubler en France d'ici 2022; une envolée telle que certains vignerons ou distributeurs doutent de leur capacité à faire face à la demande, le rythme des conversions en viticulture bio s'étant ralenti.

Alors que la consommation de vin conventionnel ralentit en France depuis de nombreuses années, celle du vin biologique augmente fortement: le constat est confirmé par l'institut britannique IWSR qui suit l'évolution des marchés des vins et spiritueux dans 157 pays.

Les Français absorbent près de 2 % de vin en moins chaque année (hors champagne et pétillants), souligne une étude d'IWSR présentée vendredi à Paris, qui estime entre «17 et 18 %» le recul de consommation française sur la période 2012-2022.

«C'est essentiellement un sujet de génération», souligne Jose Luis Hermoso, directeur des recherches chez ISWR. Les milléniaux boivent moins souvent, moins régulièrement que leurs aînés, mais en général de meilleure qualité.

«Le vin bio, vendu en moyenne 33 % plus cher que le conventionnel en France, a la chance d'appartenir à cette catégorie» souligne-t-il. «Les premiers consommateurs en sont les jeunes générations connectées et les gens qui ont un contact avec la terre», ajoute-t-il.

Selon ISWR, d'ici 2022, la consommation de bio devrait pratiquement doubler en France, à 17,2 millions de caisses de 9 litres, contre 9,5 millions en 2017 et 4,58 millions en 2012. Ce qui ferait gonfler à 7,38 % la part du vin bio dans le total du vin consommé en France, contre 3,72 % actuellement.

«Moins de sulfites»

«Moins de sulfites, le goût minéral des roches dans lesquelles les vignes ont plongé leurs racines, un bienfait pour l'environnement et aussi pour la santé»: les vins bio ont la cote, confirme Lilas Carité, auteur du Guide Carité des bonnes adresses du vin bio et biodynamique.

Lors de son lancement il y a une dizaine d'années, le guide «était un livret de quelques pages» se souvient Mme Carité. L'édition 2019 a gonflé à plus de 600 adresses.

Autre conséquence de l'engouement: à Paris, Vinibio, un salon ouvert au grand public qui se tenait jusqu'à présent en plein centre de la capitale, aura lieu pour la première fois dans les immenses halls de la porte de Versailles du 14 au 16 décembre.

Quant au plus grand salon du monde consacré au vin bio, Millesime Bio à Montpellier, réservé aux professionnels, il accueillera 1200 vignerons de 18 nationalités du 28 au 30 janvier, soit 200 de plus que la dernière édition, souligne Nicolas Richarme, un de ses organisateurs.

Dans la grande distribution, «l'accélération des référencements en bio avance 1,5 fois plus vite que dans le non bio», déclare à l'AFP Benoit Soury, directeur des marchés bio pour le groupe Carrefour qui a aujourd'hui 6 % de son offre de vin en bio hors champagnes et spiritueux.

«Dans toutes les appellations, on sent la volonté du monde viticole de se diversifier. On a depuis deux ans un vrai choix à offrir au consommateur», dit-il.

M. Soury s'inquiète néanmoins. Car la production de vin bio, plus liée au rythme des saisons, à la nature, et moins protégée par la camisole chimique de la production conventionnelle, est aussi plus aléatoire et moins stable.  

«Conversions insuffisantes»

«On sait que certains domaines bio, notamment dans le Bordelais, ont des difficultés à combattre les attaques de mildiou, qui se multiplient, notamment cette année. On a enregistré des renoncements de certains domaines engagés en bio liés au problème du mildiou» dit-il.

Remarque prise en compte par les professionnels, qui sont en train de «s'organiser» pour faire face aux nouveaux défis liés au changement climatique, répond Patrick Guiraud de Sud Vin Bio, association crée en 1991 en Occitanie, région pionnière.

Pour lui, les renoncements sont très peu nombreux. Les arrêts d'exploitation bio comptabilisés administrativement étant en majorité des transferts de propriété au moment du départ en retraite, dit-il.

Le principal problème viendrait selon lui, de «conversions en bio pas suffisantes» qu'il faudrait mieux accompagner: 4 % seulement en France, contre 11 % en Espagne et 24 % en Italie.

Alors que la consommation française explose, «nous risquons une pénurie sur les linéaires par manque de produits» avertit-il.

Il admet «un problème de pyramide des âges». «Nous avons tous la soixantaine, et pour faire face à la demande, il va falloir beaucoup d'installations de jeunes, peu de vignerons conventionnels osent se lancer dans une conversion bio à quelques années de la retraite» souligne M. Guiraud.

Pas question pour autant, malgré la forte demande du marché, d'alléger les standards. «Pas de désherbant chimique, remplacé par un travail mécanique du sol, et pas de produits de chimie de synthèse», résume M. Guiraud, qui espère obtenir rapidement des filières et options bio dans les lycées agricoles et viticoles.