Josiane Stratis a fait son premier «février sans alcool» en 2013, un an avant que la Fondation Jean Lapointe s'associe à l'évènement. Au départ, c'était l'initiative d'un des amis Facebook de la jeune femme, qui avait lancé une invitation en ce sens sur le réseau social. Pourquoi pas? s'est dit la cofondatrice du blogue Ton petit look (TPL). De toute façon, elle avait une excellente raison de participer: elle était en début de grossesse et ne l'avait pas encore annoncé...

«À l'époque, raconte Josiane Stratis, j'étais pigiste pour le Nightlife.ca et j'avais fait un article là-dessus [sur les 28 jours sans alcool]. Les gens étaient super agressifs face à ce défi-là. Franchement, pourquoi tu fais ça?»

Quatre ans plus tard, Josiane et sa soeur jumelle Carolane, qui a cessé de boire il y a deux ans, participeront encore cette année aux 28 jours sans alcool. Et encore aujourd'hui, constatent-elles, le fait de ne pas boire, que ce soit pour un mois ou sur une base permanente, suscite beaucoup de réactions.

Nous avons donné rendez-vous hier matin aux jumelles Stratis, à Jean Lapointe et à sa fille Anne Elizabeth Lapointe, directrice générale de la Maison Jean Lapointe, volet prévention. Le but: parler de la raison d'être des 28 jours sans alcool.

Certes, le but premier est d'amasser des Fonds pour la Fondation Jean Lapointe afin de sensibiliser les adolescents aux risques liés à la consommation d'alcool. Mais l'évènement, nous dit-on, permet aussi de s'attaquer à des tabous liés à l'alcool: celui de la consommation récréative d'alcool, trop souvent banalisée, et celui, bien réel, de la non-consommation d'alcool.

Pression et agressivité

«Si nous, en tant qu'adultes, on a autant de pression à dire qu'on ne boit pas, peu importe les raisons, imaginez un jeune de 14, 15, 16 ans qui doit dire qu'il a choisi de ne pas boire... Il y en a des jeunes qui font ce choix et qui vivent une pression incroyable!» souligne Sylvie Lamy, conseillère principale en développement et communications à la Fondation Jean Lapointe.

Carolane Stratis a droit à plusieurs questions lorsqu'elle dit qu'elle ne boit plus. «Es-tu encore enceinte?» «Est-ce que ça va bien?» Elle répond la vérité: elle prend des antidépresseurs pour soigner une dépression. «L'alcool annulait les effets de mes médicaments et j'ai fait une tentative de suicide il y a cinq ans», dit Carolane, qui s'apprête à publier, avec sa soeur, un livre sur la santé mentale.

«Quand j'ai arrêté de boire, j'avais vraiment beaucoup de pression pour recommencer à boire. Dans ce temps-là, j'étais tellement fâchée contre ces gens: j'avais l'impression qu'ils riaient de moi. Ça leur rentrait tellement dans la face que j'arrête de boire...»

D'où viennent cette pression et cette agressivité? Ça ne veut pas nécessairement dire qu'ils ont eux-mêmes un problème d'alcool, croit Carolane Stratis. «C'est super confrontant. Et les gens, quand ils sont confrontés, veut, veut pas, ils sont agressifs.»

N'empêche, croit Anne Elizabeth Lapointe, les gens qui réagissent ainsi envers ceux qui ne boivent pas auraient eux aussi avantage à participer aux 28 jours sans alcool. «C'est une belle occasion pour regarder comment tu es face à l'alcool, comment tu le vis, dit-elle. Si tu fais une soirée vins et fromages tous les vendredis après le travail, que tu as hâte toute la semaine à ton vendredi 17 h et que tu passes un premier vendredi sans vins et fromages, fais cette introspection-là pour regarder comment tu te sens...»

Atteindre les gens

Josiane Stratis dit avoir découvert plusieurs choses sur elle pendant ses mois de sobriété: qu'elle pouvait avoir du plaisir sans alcool, qu'elle pouvait aller dans les bars sans boire, qu'elle n'avait pas à boire «parce que c'est vendredi» et qu'elle était moins anxieuse sans alcool. Cette expérience l'a aussi aidée à départager les bonnes et les moins bonnes raisons de boire.

Il faut éviter de voir des alcooliques partout, souligne Jean Lapointe («il y a bien des gens qui prennent un verre par jour et qui ne sont pas alcooliques!»), mais c'est bien tant mieux si les 28 jours sans alcool permettent à des gens qui ont un problème réel de le découvrir.

«Plus on fait des initiatives de cette façon-là, plus on va atteindre des gens, et plus on va atteindre des gens, plus on va découvrir, parmi ces gens-là, qu'il y en a qui ont le problème. Ils vont aller en traitement, ils vont aller aux Alcooliques Anonymes», conclut Jean Lapointe.

On peut s'inscrire aux 28 jours sans alcool en faisant un don minimum de 28 $.