«Ici, on a capté la +3G: le gel en avril, la grêle en mai et la grillure en fin d'été», ironise un vigneron de la région viticole de Chablis, en Bourgogne, où le raisin se fait rare à l'heure des vendanges après une météo catastrophique.

«Sur les 21 hectares du domaine, sept ne seront pas récoltés», poursuit Jean-Christophe Bersan, viticulteur bio, «très touché» psychologiquement après le violent épisode de grêle qui a ravagé ses parcelles de Chablis au printemps.

Sur les 5453 hectares du Chablisien, près de la moitié a été fortement endommagée par le gel et la grêle, selon le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).

Conséquence: dans cette région célèbre pour son vin blanc sec 100% chardonnay, les vendanges vont donner «une demi-récolte» en 2016. En temps normal, 40 millions de bouteilles de Chablis sont produites chaque année, dont plus de deux-tiers destinées à l'export.

Comme si cela ne suffisait pas, des vers de la grappe se sont attaqués ces dernières semaines à certaines vignes de M. Bersan, obligeant le viticulteur à avancer les vendanges de quelques jours pour sauver une partie de sa maigre récolte.

En volume, «c'est la limite, c'est vraiment pour faire du vin et garder ma clientèle», commente le viticulteur qui s'estime heureux malgré tout: certains de ses collègues, eux, ont tout perdu.

Quant à l'état de la vigne, «la sentence va durer longtemps, jusqu'à la taille de l'année prochaine», constate-t-il en manipulant les bois qui, fragilisés par les intempéries, cassent comme du verre. «La grande question est de savoir si les rameaux vont être fructifères», s'inquiète-t-il, anticipant «un risque de petite récolte» en 2017.

Besoin de s'adapter

Christine Monamy, responsable de l'Observatoire du millésime au BIVB, veut rester optimiste car après le gel, «l'année d'après, la vigne repart généralement en abondance». «En revanche, la grêle a d'autres effets plus pervers, ce qui pourra entraîner aussi une année 2017 assez hétérogène», reconnaît la responsable technique.

Pour le président de la Fédération de défense de l'appellation Chablis, Frédéric Guéguen, cette année maudite où les phénomènes climatiques ont eu «une intensité exceptionnelle» pousse les professionnels à «s'adapter».

«Contre le gel, on sait se défendre avec des systèmes par aspersion d'eau et des bougies. En revanche dans le Chablisien on n'était pas équipé contre la grêle mais on va le faire l'an prochain», annonce-t-il. Une expérimentation de filets est déjà en cours sur plusieurs hectares de vignoble.

Au regard de la «qualité» des raisins parvenus à maturité, décrits comme «très tendres» et «sucrés», les regrets sont palpables. «On n'aurait pas eu ces aléas climatiques au printemps, on serait sur une très belle récolte», déplore M. Guéguen, qui confie avoir «envie de finir cette année et de repartir sur une feuille blanche.»

La région de Chablis n'est pas la seule en France à avoir souffert: en Champagne, en Bourgogne, dans le Val de Loire ou le Languedoc-Roussillon, les intempéries ont également fait des dégâts.

Seuls le Bordelais, l'Alsace, le Beaujolais ou encore le Jura tirent leur épingle du jeu avec des volumes équivalents à l'année dernière, voire supérieurs.

Au final, la production française 2016 devrait être inférieure de 10% à celle de 2015, avec 42,9 millions d'hectolitres, selon les estimations officielles.

La France est le premier exportateur mondial de vin en valeur avec 29% de parts de marché (8,2 milliards d'euros) en 2015, et troisième en volume, à 14 millions d'hectolitres, d'après l'Organisation internationale de la vigne et du vin.