Il a pourtant un nom prédestiné : Bicicleta, le vin chilien qui parraine pour la troisième année consécutive le Tour de France, a piqué au vif l'orgueil des viticulteurs de l'Hexagone.

«Le vin porte ce nom, car la vigne est à Chimbarongo et ici tout le monde vient au travail à vélo», raconte Claudia Pfau, responsable du vignoble Cono Sur, qui produit les 11 variétés de la cuvée Bicicleta, baptisée ainsi «en leur hommage, ainsi qu'à leur travail».

Le petit village, situé dans la vallée centrale du Chili et connu pour son artisanat en osier, se trouve à 200 kilomètres au sud de Santiago... et à 12 000 de la France.

En ce mois d'avril, l'automne austral vient de commencer et c'est l'heure de la vendange.

Sur 300 hectares de vignes, près de 400 salariés récoltent les précieux raisins - Sauvignon blanc, Chardonnay, Riesling, Merlot... - qui donneront naissance au vin officiel du Tour de France, en vertu d'un accord signé en 2014 jusqu'en 2017.

En parrainant ainsi la Grande Boucle, qui se déroulera du 2 au 24 juillet prochains sur 21 étapes, le vignoble poursuit sa stratégie marketing qui l'a poussé à devenir partenaire de nombreuses compétitions cyclistes dans le monde.

«Dans le fond, c'était logique et ça allait très bien ensemble, évidemment, la compétition et la bicyclette», dessinée sur l'étiquette des bouteilles, dit Mme Pfau.

Et Cono Sur a trouvé cette fois une vitrine incomparable, la course française étant retransmise sur les télévisions du monde entier.

Mais en touchant l'un des pays par excellence du vin, et l'un de ses événements sportifs les plus reconnus, il a déclenché la colère des viticulteurs français.

Des producteurs du Sud-Ouest et de l'Aude ont ainsi annoncé leur intention de bloquer l'épreuve pour protester contre ce choix.

«Facile à boire»

«On se sent humiliés», affirmait en février Frédéric Rouanet, président du syndicat des Vignerons de l'Aude pour lequel en France, «le vin c'est sacré».

«Nous faisons des vins prestigieux et le Tour fait partie de notre patrimoine culturel et sportif, c'est une vitrine, notre vin doit y figurer», insistait-il.

Un accord a été trouvé qui permettra aux viticulteurs des régions traversées l'été prochain de présenter leurs productions au Village du Tour, a indiqué le patron du Tour Christian Prudhomme à l'AFP, une nouvelle réunion à ce sujet était prévue le 10 mai.

«On a discuté de la possibilité de faire venir les viticulteurs aux villages départ et arrivée à chaque étape», a-t-il expliqué, «étonné» de cette soudaine polémique alors que l'accord avec Bicicleta date de 2014.

Il relève aussi que quand le partenariat chilien s'est noué en 2014, lors d'un passage du Tour dans le Yorkshire, en Grande-Bretagne, aucun producteur français n'avait répondu à l'appel d'offres.

Le partenariat noué entre le vin chilien et le Tour de France ne concerne d'ailleurs que les étapes situées à l'étranger, chaque fois que le Tour passe chez les voisins, comme cette année en Espagne, en Andorre et en Suisse.

La loi française interdit en effet tout parrainage d'une épreuve sportive et toute publicité pour les produits alcoolisés.

Interrogé sur cette polémique, le vignoble Cono Sur, qui exporte 98% de sa production, ne souhaite pas se prononcer sur le fond, se contentant de souligner à quel point le Tour de France lui apporte un formidable tremplin vers le marché européen.

«Pour nous, c'est une très bonne occasion de renforcer notre présence dans certains pays européens comme l'Irlande, la Finlande, les Pays-Bas et bien entendu l'Angleterre», explique Claudia Pfau.

«C'est cela notre objectif, et nous sommes très fiers d'être présents dans tous ces pays. En plus, je crois que nous portons haut les couleurs du vin chilien», ajoute-t-elle.

Quant à la cuvée Bicicleta, dont la bouteille la moins chère coûte trois dollars, «c'est un vin très facile à boire, très agréable et avec une faible alcoolémie», précise-t-elle.