Pleine d'espoir dans l'avenir de son oenotourisme, la Champagne retient son souffle avant la décision de l'UNESCO qui pourrait inscrire ce week-end ses coteaux, maisons et caves au patrimoine mondial de l'humanité dans la catégorie «Paysage culturel évolutif vivant».

«Ce serait un moment historique et le début d'une nouvelle ère pour notre région», s'enthousiasme le viticulteur Pierre Cheval, président de l'association «Paysages de Champagne» qui défend le dossier de candidature des «Côteaux, maisons et caves de Champagne» pour l'UNESCO.

«Après l'invention du champagne au XVIIIe siècle, sa diffusion internationale au XIXe et sa démocratisation au XXe, l'inscription au patrimoine mondial donnerait au terroir qui le produit une reconnaissance universelle exceptionnelle et une chance incomparable de développement touristique», ajoute-t-il.

Initiée en 2006 par le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) qui a longuement finalisé le dossier, la candidature champenoise a finalement été retenue par la France en janvier 2014 au côté des «Climats» de Bourgogne pour la 39e session du Comité du patrimoine mondial qui se réunit à Bonn (Allemagne) jusqu'au 8 juillet pour examiner 36 demandes d'inscription dont certaines ont reçu le soutien d'organes consultatifs indépendants.

C'est le cas du dossier champenois qui contrairement à la Bourgogne, est favorablement recommandé par le Conseil international des monuments et des sites (Icomos), un atout déterminant qui pourrait bien conduire la Champagne à devenir le 40e bien français inscrit au patrimoine mondial.

«Nous sommes sereins et raisonnablement confiants mais rien n'est encore joué», tempère M. Cheval qui attend la décision samedi ou dimanche, la Champagne portant le numéro 23 dans l'ordre d'examen par le comité.

Retombées touristiques importantes

Si l'ensemble de l'appellation champagne, qui s'étend sur 35 000 hectares dans cinq départements (Marne, Aube, Aisne, Haute-Marne et Seine-et-Marne), est concerné par la candidature, trois sites sont mis à l'honneur pour porter le dossier : l'avenue de Champagne à Épernay où sont alignées les prestigieuses maisons de négociants surplombant des kilomètres de caves où vieillissent des millions de bouteilles, la colline Saint-Nicaise à Reims dont les sous-sols recèlent les immenses crayères antiques ou médiévales utilisées comme espace de vinification et de stockage et enfin les coteaux historiques autour d'Épernay.

Parmi ces coteaux idéalement exposés plein sud, on trouve ceux du village d'Hautvillers qui domine la Marne et dont la célèbre abbaye abrita le moine Dom Pérignon qui selon la légende inventa la seconde fermentation propre au champagne.

Dimanche, sur la place de cette commune classée premier cru, sera installé un écran géant branché sur la chaîne de l'UNESCO pour suivre les débats avant de fêter à grand renfort de bulles l'éventuel succès.

«Ce serait une grande fierté de faire partie de la fraternité du patrimoine mondial, cela signerait la valeur universelle exceptionnelle de la Champagne reconnue par l'ensemble de la communauté internationale comme faisant partie de son histoire», souligne le viticulteur.

«Cette reconnaissance inciterait naturellement les professionnels du champagne à prendre soin du terroir et à le partager, ce qui s'accorde bien à notre vin qui est celui de la célébration et de la fête», remarque-t-il.

Selon lui, les retombées touristiques augmenteraient de 20 à 30% en cas d'inscription par l'agence de l'ONU.

«L'UNESCO attache beaucoup d'importance aux mesures pratiques que nous devrions prendre pour répondre à cet afflux potentiel de touristes, aussi bien pour la qualité de l'accueil que pour les infrastructures», précise M. Cheval.

L'association qu'il préside a demandé aux 320 communes viticoles de l'appellation de s'engager y compris financièrement pour mettre en oeuvre une «attitude vertueuse» envers ce patrimoine.