Considéré comme «l'un des cinq plus grands collectionneurs de vins au monde», Rudy Kurniawan avait rapidement amassé des millions de dollars de dettes, a révélé mardi l'accusation, au deuxième jour de son procès à New York pour contrefaçon de grands crus.

Lundi, le procureur Jason Hernandez avait décrit un accusé poussé par l'appât du gain, qui avait gagné des millions en quelques années en fabriquant «dans sa cuisine» des vins contrefaits, ensuite présentés comme de grands crus anciens exceptionnels et vendus à prix d'or, la plupart aux enchères.

À l'automne 2007, Kurniawan, alors 31 ans, cherche à emprunter 3 millions de dollars d'un groupe financier, et se garde bien de signaler qu'il a déjà accumulé la même année pour plus de 10 millions de dollars de dettes, a raconté le premier témoin pour l'accusation, Barbara Chu, qui avait supervisé sa demande de prêt auprès de la Emigrant Bank Fine Art.

«Il nous a dit qu'il voulait faire la transition avec les paiements qu'il recevait de sa famille et qu'il voulait monter une nouvelle entreprise de vins», a-t-elle expliqué à la barre.

De son statut d'Indonésien immigrant clandestin, auquel a été refusé l'asile en 2003, Kurniawan ne dit rien à l'époque. Il affirme être résident permanent, avec une demande en cours de carte verte (qui permet de résider et travailler aux États-Unis), a-t-elle précisé.

Il affirme dépenser quelque 150 000 dollars par an, alors qu'il mène la grande vie entre la Californie où il habite, et New York où il fait la plupart de ses affaires, brassant des millions de dollars.

Pour obtenir son prêt, Kurniawan met en gage auprès de Fine Art 24 de ses oeuvres d'art, estimées à plus de 6 millions de dollars.

Amaigri par 19 mois de détention

Un spécialiste, contacté par l'institut financier le décrit à l'époque comme «un très grand collectionneur de vins» (...) «l'un des cinq plus grands collectionneurs au monde», a précisé Mme Chu.

Mais Fine Art, qui lui prête à 13%, est «approché» selon elle par les avocats de la maison d'enchères new-yorkaise Acker, Merrall et Condit, avec laquelle Kurniawan avait vendu pour 35 millions de dollars de grands vins quelques mois plus tôt, un record absolu.

Fine Art découvre que Kurniawan a emprunté à la maison d'enchères et à certains clients «en gros entre 8 et 9 millions de dollars». S'y ajoutent intérêts et d'autres petits emprunts, pour un total dépassant 10 millions de dollars pour la seule année 2007.

Fine Art, qui avait début 2008 débloqué 2,5 millions de dollars pour Kurniawan, lui impose alors de vendre aux enchères ses oeuvres d'art, dont des Warhol et Damien Hirst. Elle récupérera ses fonds au printemps 2009.

«Vous n'avez pas perdu un penny», a insisté mardi l'un des avocats de Kurniawan, Vincent Verdiramo, ce que Mme Chu a reconnu.

Kurniawan, 37 ans, vêtu d'un costume marine, a écouté les débats extrêmement concentré. Amaigri par ses 19 mois de détention, visage juvénile caché derrière des lunettes à grosse monture noire, il était assis à côté de ses avocats, se levant à une occasion pour leur servir de l'eau.

Au premier jour de l'audience, la défense avait présenté un jeune Indonésien d'origine chinoise, ayant un «très bon palais», et qui voulait à tout prix «trouver sa place» dans ce petit monde de collectionneurs de vins rares, plus riches et plus âgés que lui.

Kurniawan, grand collectionneur de Bourgogne, surnommé «Docteur Conti» en raison de sa passion pour le Romanée Conti, est inculpé de fraude postale visant à vendre des vins contrefaits, et de fraude électronique visant à tromper une institution financière. Cette dernière accusation est relative au prêt de 3 millions de dollars.

Son procès, devant le tribunal fédéral de Manhattan, doit durer environ deux semaines.

Il risque un maximum de 40 ans de prison.