Avec l'arrivée de nouvelles extensions internet, le secteur viticole français craint que ses précieuses appellations d'origine pâtissent de l'attribution du «.vin» et du «.wine» à des spéculateurs étrangers qui peuvent faire fi de la législation européenne.

Ce dossier, suivi de près par le gouvernement français et les instances européennes, va être débattu à partir de dimanche à Durban (Afrique du Sud) lors du sommet de l'Icann, l'organisme mondial chargé de réglementer les noms de domaine sur internet.

Aux côtés des traditionnels «.com» ou «.org», de nouvelles extensions - «.paris», «.archi» ou «.bio» - s'apprêtent à faire leur apparition. Près de 2000 dossiers de candidatures ont été déposés au niveau mondial auprès de l'Icann: si certaines extensions ont déjà été attribuées sans problème, d'autres font l'objet de contentieux.

«Pour le .vin et le .wine, c'est la vieille lutte commerciale entre les États-Unis et l'Europe qui renaît: il n'y a pas d'accord à l'OMC pour donner aux appellations d'origine les mêmes droits que les grandes marques, le dossier est donc extrêmement politique», résume pour l'AFP Mathieu Weill, directeur général de l'Afnic, l'office d'enregistrement officiel du .fr

Le seul prétendant au «.vin» est un groupe américain, Donuts, qui a également déposé un dossier pour «.wine», en concurrence avec une société basée à Gibraltar et une autre en Irlande.

Si elle obtient l'extension «.vin», la société aura en effet le droit de la commercialiser pour qu'elle soit déclinée en noms de domaine de second niveau, comme «www.bordeaux.vin» ou «www.champagne.vin».

«Donuts va pouvoir vendre les noms de domaine aux plus offrants, des sociétés ou des individus qui seraient totalement étrangers aux dites appellations et commercialiseraient sur leur site ce qu'ils voudraient sous cette appellation», déplore Pascal Bobillier-Monnot, directeur de la Confédération nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de vin à appellations d'origine contrôlée (Cnaoc).

«Noms d'appellation usurpés»

«Derrière Donuts, qui est un spéculateur, il y a des investisseurs qui ont une expérience dans les noms de domaine, et l'ouverture des nouvelles extensions internet représente pour eux une sorte de ruée vers l'or», estime Mathieu Weill.

Depuis des mois, «on fait tout pour que les candidats prennent en considération les intérêts légitimes de la filière, en particulier l'appellation d'origine. Le vin est un monde particulier, et ils ne peuvent pas monter un ''business model'' sans avoir au moins une neutralité bienveillante de l'industrie viticole», souligne Charles Goemaere, directeur juridique du Comité interprofessionnel du vin de Champagne.

«Notre but est de sortir du contentieux par le haut, via un dialogue avec les candidats et l'Icann pour trouver des solutions qui assureraient la protection des appellations. J'ai tendance à penser qu'ils ne sont pas assez fous pour aller jusqu'au bras de fer», avance Pascal Bobillier-Monnot.

«Mais si jamais l'Icann tentait de passer en force et nous imposait un .vin avec des noms d'appellation usurpés, nous saisirions les tribunaux, car la protection des indications géographiques est prévue par la réglementation communautaire», prévient-il.

La France et le Luxembourg ont déposé il y a plusieurs mois auprès de l'Icann un «early warning», une procédure d'alerte pour rappeler que la dénomination «vin» ainsi que ses appellations géographiques faisaient l'objet d'une réglementation européenne très précise et stricte. Reste à savoir jusqu'où ils pourront peser au sein de l'Icann pour faire entendre leurs arguments.