La taverna Gavrilis est une institution dans le village de Kouvaras. Elle est ouverte depuis plus de 50 ans. Nous y sommes invités par le vigneron Vassilis Papagiannakos, qui était sur les bancs d'école avec le fils du propriétaire. Gavrilis Ginis est aujourd'hui «tavernier» en chef de ce restaurant qui ne paie pas de mine, mais où on mange divinement bien.

Pour s'y rendre, il faut traverser une forêt de pins d'Alep. Ce sont ces nobles conifères qui produisent la résine utilisée dans la mythique quoique mal aimée retsina. La région dans laquelle nous nous trouvons est également celle où l'on cultive le cépage indigène savatiano. Le Domaine Papagiannakos met en bouteille sa propre retsina, mais vend également des raisins savatiano à Gavrilis, l'une des rares tavernes qui produit toujours sa retsina.

On trouve des références à la retsina dans les écrits du philosophe Théophraste (autour de 300 ans av. J.-C.). Au départ, la résine était utilisée pour protéger et stabiliser le vin, le rendre moins sensible à l'oxydation et, éventuellement, masquer l'acidité volatile. Les conditions sanitaires des chais ont bien changé depuis, mais on perpétue la tradition.

Retsina et tavernes d'Athènes sont indissociables depuis la fin du XIXe siècle. À une certaine époque, toutes les tavernes des environs d'Athènes élevaient leur propre vin résiné. Les styles variaient d'une maison à l'autre. Le vin emblématique de la Grèce a connu un gros boum dans les années 60, âge d'or du tourisme dans la capitale. C'est aussi à cette époque qu'on s'est mis à embouteiller la retsina, pour le meilleur et pour le pire. Certains escrocs vendaient sous le nom de «retsina» un vin blanc additionné d'essence de pin.

À ce jour, on trouve difficilement une excellente retsina en bouteille de ce côté-ci de l'Atlantique. Bien que celle de Papagiannakos soit très bonne, l'agence de Theo Diamantis, Oenopole, n'en importe pas. «Le marché pour la retsina n'est pas assez important au Québec», explique-t-il. On trouve néanmoins à la SAQ quelques retsinas, dont la plus intéressante serait probablement la Retsina Nobilis Ritinis, du producteur Gaia Wines. Celle-ci n'est par contre pas produite avec le cépage traditionnel qu'est le savatiano, mais plutôt avec du roditis.

Sur place, et surtout chez Gavrilis, c'est une tout autre histoire. La retsina est un must. Certains amateurs ont déjà comparé la retsina de cette taverne à un vieux bourgogne blanc. Certes, elle est délicieuse et plus subtile que les retsinas en bouteille. Le goût de la résine est toujours présent, mais ne masque pas complètement les arômes fruités du savatiano. Et surtout, ce vin est indéniablement l'accompagnement idéal d'une cuisine où l'ail, le citron et le romarin sont prépondérants. Yiasou!

Taverna Gavrilis, 47, rue Agiou Dimitriou, dans le village de Kouvaras, 22990 69092