Une dizaine de vignerons de l'Oregon et de l'État de Washington débarquent au Québec, cette semaine, pour le 13e festival Montréal en lumière. Une visite qui peut paraître étrange dans un événement consacré  à la gastronomie belge.  Et pourtant...

Les organisateurs de Montréal en lumière ont volontairement cherché à marier la gastronomie belge aux vins du Nord-Ouest américain. Ils souhaitaient ainsi rendre hommage à la fois à une cuisine issue d'un pays où la production de vins est rare et à des vins qui restent souvent dans l'ombre de ceux produits en Californie. Voyons-les de plus près.

Oregon: au royaume  du pinot

On connaît surtout la Willamette Valley de l'Oregon pour ses vins de pinots noirs. C'est grâce à la réussite de ce cépage bourguignon que certains investisseurs français se sont établis dans ce vignoble américain.

C'est notamment le cas de la famille Drouhin qui possède plusieurs grands et premiers crus en Bourgogne, et qui a fondé son vignoble en Oregon en 1988. Le domaine y élabore aujourd'hui des pinots noirs et des chardonnays souvent comparés à ceux du Vieux Continent.

«Les pionniers sont venus en Oregon parce qu'ils pensaient que le climat et la géographie étaient similaires à la Bourgogne, explique David Millman du domaine Drouhin. Ils se disaient que le climat frais serait une condition idéale pour le pinot noir et le chardonnay.»

Les premiers vignerons arrivés dans les années 70 avaient vu juste. Les étés plus tempérés qu'en Californie et les hivers moins froids que dans l'État de Washington ont privilégié la culture du pinot. Si bien que la Willamette Valley a instauré une fête annuelle, en juillet, afin de célébrer son cépage fétiche qui représente les trois quarts de la superficie des vignes plantées en Oregon.

Mais l'aventure du chardonnay s'est révélée moins heureuse que celle du pinot dans ce vignoble. Les cuvées issues de ce cépage blanc, autrefois le plus planté dans cette région viticole, ont en effet été si décevantes que les domaines ont préféré les arracher.

Véronique Drouhin se rappelle avoir été elle aussi très déçue des chardonnays à son arrivée au milieu des années80. Les vins, se souvient-elle, n'étaient ni complexes, ni équilibrés. Ils n'avaient aussi aucun potentiel de vieillissement.

«On s'est intéressé d'un peu plus près aux plants qui étaient utilisés, précise Véronique Drouhin. On s'est rendu compte avec l'aide d'un spécialiste que ces plants n'étaient pas du chardonnay. C'était un plant cousin qui avait été baptisé de ce nom.»

Depuis le début des années90, les anciennes vignes ont été arrachées pour être remplacées par une variété française. Et selon David Millman, ce changement a fait une différence énorme sur la qualité des vins.

C'est désormais le pinot gris qui vole la vedette dans les cépages blancs. Il produit des cuvées rafraîchissantes et croquantes, mais selon Véronique Drouhin, elles n'ont pas un grand potentiel de garde.

À découvrir

Acrobat Oregon Pinot Gris 2009, Code SAQ: 11333767, 17,95$

Miel, pomme verte et citron, cette cuvée est rafraîchissante et légèrement sucrée. On note aussi une certaine amertume en finale. Ce vin est très bien fait pour son prix. Fermée avec une capsule à vis, la bouteille peut être glissée dans un sac, même entamée, pour les soirées de raclette au chalet.

Pinot noir Domaine Drouhin Oregon 2008, Code SAQ: 11166559, 36,75$

Avec ce pinot noir, on croirait mettre le nez dans un verre de Bourgogne. On sent la cerise noire, une touche de bois, de la cendre et un côté un peu viandeux. En bouche, le vin est agréable. Le bois est bien dosé. La cuvée, équilibrée. Pensez à la carafer.

Washington: multitude de cépages

Les vins de Washington sont encore peu connus, comparés à ceux de la Californie. Pourtant, à l'est de la ville de Seattle, cachée derrière les montagnes, se trouve une grande région viticole marquée par des températures plus élevées en été que celles de l'Oregon et par des hivers qui y sont glacials.

Ce vignoble est le deuxième plus grand producteur de cépages viniferas (ceux plantés en Europe) des États-Unis. On y cultive une trentaine de variétés différentes, dont du chardonnay, du merlot, du riesling, de la syrah et du cabernet-sauvignon. Près de 16000 hectares de vignes y sont cultivés, soit deux fois plus qu'en Oregon.

C'est cette multitude de cépages plantés qui a attiré l'oenologue Gilles Nicault, aujourd'hui installé au vignoble Long Shadows dans la région de Walla Walla. Ce Parisien d'origine a fait ses études à Avignon, dans le sud de la France. Il est établi dans l'État de Washington depuis 1994.

«Ce qui m'a intéressé, c'est que j'avais la possibilité de travailler avec beaucoup de variétés, dit-il. Si j'étais allé en Bourgogne, ce serait du pinot noir et du chardonnay, ou à Bordeaux, du merlot et du cabernet-sauvignon.»

Gilles Nicault n'est pas le seul à avoir été séduit par ce vignoble. S'ils étaient une soixantaine à cultiver la vigne dans l'État du Washington dans les années 90, on y recense aujourd'hui plus de 740 propriétés viticoles.

La très vaste majorité des cuvées sont produites sous l'appellation Columbia Valley. Cette mention permet aux vignerons d'assembler des raisins produits dans plusieurs régions de l'État sous une même étiquette. Or, certains vignerons choisissent de spécifier la région. On peut ainsi retracer l'origine des grappes provenant par exemple de Yakima, l'une des plus vieilles régions viticoles de Washington, ou de Walla Walla.

À découvrir

CMS blanc, chardonnay, sauvignon, marsanne, Columbia Valley 2009, Code SAQ: 11035655, 18$

Cet assemblage de chardonnay, de sauvignon blanc et de marsanne est tout à fait particulier. On y sent des odeurs de gazon fraîchement coupé. Avec l'aération, on y découvre de la papaye et des fruits tropicaux. En bouche, le vin est soyeux et bien équilibré. Un vin hors de l'ordinaire qui ne laissera personne indifférent.

Chester Kidder Columbia Valley, Washington 2005, Code SAQ: 11335501, 47,50$

Cette cuvée de Gilles Nicault illustre bien la variété des cépages de l'État. Dans le Chester Kidder, ce sont le cabernet-sauvignon, identifié aux vins de Bordeaux, et la syrah, cépage de la vallée du Rhône, qui ont été assemblés. Après avoir versé le vin, le nez semble un peu fermé. Mais il s'ouvre rapidement sur des arômes de fruits noirs et d'épices. La bouche est agréable sur des notes de cèdre, de fruits cuits et de chocolat. Une cuvée très séductrice.