Bordeaux a son Château Pétrus. Montréal a son Château Rosemont. L'arrondissement du centre de l'île n'est pas connu pour ses champs ou ses coteaux. C'est pourtant ici, dans sa cour, que l'ingénieur en sabbatique Claude Collerette cultive une trentaine de vignes. Et l'automne venu, il s'improvise vigneron.

Claude Collerette connaît bien les grands crus de Bordeaux. Il en a d'ailleurs toute une collection dans sa cave. Mais sa plus grande fierté n'est ni un Château Lafite ni un Château Cheval Blanc. C'est plutôt le vin qu'il élabore chez lui.

«J'ai planté mes premières vignes il y a cinq ans, explique-t-il. D'abord pour le plaisir, parce que j'aime voir les vignobles quand je vais en France. Alors je me suis dit: je vais planter des vignes. Et finalement, j'en ai beaucoup.»

On retrouve une douzaine de cépages hybrides dans le jardin de M. Collerette: frontenac rouge, gris ou blanc, marquette et Louise Swenson. Mais le vigneron ne s'est pas arrêté à ces variétés. «J'ai essayé plein de choses», raconte-t-il.

Il a ainsi planté des variétés européennes comme du merlot et du cabernet franc. Ces plants sont plus fragiles. Il doit d'ailleurs les coucher près du sol l'hiver venu pour les protéger du froid.

Sa passion est devenue contagieuse. Ses voisins sont nombreux à s'arrêter devant sa clôture pour analyser les vignes et lui donner quelques conseils.

Le vigneron amateur en est à sa troisième vendange. Raisins rouges ou raisins blancs, il les presse tous ensemble. Il obtient près de trois gallons de jus qu'il entrepose ensuite au sous-sol dans des bidons en verre.

Cette année, toutefois, la récolte a été difficile.

«Le printemps a été pluvieux et je n'ai pas eu le temps de m'en occuper beaucoup, dit-il, avec un brin de déception dans la voix. J'ai récolté plus tôt et j'ai mis mes raisins au congélateur. Je vais voir ce que je vais faire avec ça cet hiver.»

Les cuvées du Château Rosemont vieillissent dans le sous-sol de Claude Collerette, à côté de sa laveuse et de ses outils. Dans un premier contenant, la fermentation n'est pas terminée. Dans un autre, une expérience a tourné au vinaigre. Dans le troisième repose la cuvée de l'an dernier. Le vin, de couleur rosé, est un assemblage composé à majorité de frontenac. Le vigneron n'y a pas goûté depuis quelques mois.

«Ça sent bon, décrit-il l'air soulagé en retirant le bouchon. Ça sent l'alcool. Ça sent le vin.»

Il s'en verse un verre. Et après quelques gorgées, le vigneron est satisfait. Si la cuvée est encore légèrement effervescente, il juge le résultat satisfaisant.

«C'est très équivalent aux vins que l'on fait au Québec», estime-t-il.

Vigneron chez soi

M. Collerette n'est pas le seul dans l'île de Montréal à s'improviser vigneron. Dans la Petite-Italie, ils sont plusieurs à se procurer les raisins dans les marchés publics pour ensuite les presser et fermenter le jus à la maison. Quant aux passionnées qui cultivent la vigne dans leur jardin, ils sont une cinquantaine à se présenter chaque année chez Alain Breault, un producteur de vignes de la Montérégie.

«Cette année, j'ai eu plusieurs personnes de la région d'Ottawa, explique-t-il. Ils arrêtent acheter quelques plants et ensuite on ne les revoit plus. Ils n'ont plus de place chez eux.»

Selon cet expert, les vignerons amateurs achètent surtout des cépages plus résistants aux maladies, par exemple du sabrevois, du marquette ou du Swenson white.

Mais à Rosemont, Claude Collerette ne s'inquiète pas des maladies de la vigne. Il suffit d'avoir la patience de les traiter.