Au détour de l'une des nombreuses routes des vins sud-africaines, Calitzdorp se présente fièrement comme la «capitale du porto». Plus pour très longtemps, l'Union européenne ayant fait savoir que le porto ne pouvait être que portugais.

À partir du 1er janvier, le mot «porto» --ou plutôt «port», en anglais-- devra disparaître des bouteilles. Il sera remplacé par Cape Ruby, Cape Tawny et Cape Vintage.

L'Afrique du Sud produit du porto depuis le début du XIXe siècle, mais ce n'est qu'à la fin des années 1970 que ce type de vin muté y a trouvé ses lettres de noblesse, à Calitzdorp, un gros bourg du Petit Karoo, au sud du pays.

«Ici, les sols sont semblables à ceux de la vallée du Douro, au Portugal», où est produit le «vrai» porto, explique Boets Nel, le propriétaire de De Krans, l'une des caves les plus connues.

Et le climat local, avec ses étés chauds et les hivers frisquets, est particulièrement propice à la culture des variétés de vigne portugaises, ajoute-t-il.

«Question qualité, nous pouvons vraiment rivaliser avec le meilleur du Portugal», lance M. Nel.

«Question rapport qualité-prix, nous sommes dix fois meilleurs!», renchérit son cousin Carel Nel, le président de l'Association des producteurs de porto sud-africains (Sappa), depuis la cave voisine --et rivale-- de Boplaas.

Une très bonne bouteille de porto sud-africain ne dépasse pas les 10 euros sur place.

Selon un accord commercial avec l'Union européenne entré en vigueur en janvier 2000, l'Afrique du Sud s'est engagée à renoncer totalement au nom «porto» --et aussi à «sherry»-- dans les douze ans.

«À partir du 1er janvier 2012, nous ne pourrons plus faire figurer «porto» sur les étiquettes. Mais tout ce qui aura été embouteillé d'ici l'année prochaine pourra être vendu ensuite», explique Carel Nel.

Le mot tabou a déjà été banni depuis 2002 pour les exportations, ajoute-t-il, précisant que les expéditions à l'étranger ne dépassent pas 15% du total.

«Nous ne sommes pas contents, mais que pouvons-nous y faire?», se désole le président de Sappa, qui estime que son gouvernement a été "trop naïf" quand il a accepté que le nom soit abandonné.

«Nous ne produisons que 200 000 à 300 000 caisses par an, contre plus de 10 millions au Portugal», note-t-il.

Le combat était donc perdu d'avance... Mais l'UE a tout de même autorisé les termes «Ruby» et «Tawny» qui caractérisent le porto portugais.

«Ce que j'ai entendu, c'est que les Portugais ont dit qu'ils nous laisseraient utiliser le nom si nous leur cédions des droits de pêche. Et le gouvernement sud-africain n'a pas voulu», suggère Peter Bayly, un autre producteur de Calitzdorp dont la vigne est entourée d'une clôture électrique destinée à la protéger des babouins.

Les viticulteurs l'ont d'autant plus mauvaise qu'un autre accord prévoyait que les Européens leur verseraient 15 millions d'euros pour les aider à se reconvertir. Mais Pretoria n'a pas ratifié ce second texte... et pas un centime n'a été versé.

Le gouvernement sud-africain n'a pas donné suite aux demandes d'explications de l'AFP à ce sujet.

Les producteurs ne sont de toute façon pas désespérés: «Autant que je sache, l'accord avec l'UE ne concerne que les étiquettes. C'est une histoire d'emballage! Le marché parlera encore de porto pendant longtemps», sourit Boets Nel.

La profession entend donc continuer à faire référence au porto pour son marketing, notamment sur ses sites internet. Au besoin, en parlant de «vins de type porto».

Carel Nel est en tous cas sûr de son succès: «Nos portos font partie des meilleurs du monde. À long terme, les noms Cape Ruby, Cape Tawny et Cape Vintage vont devenir des appellations mondialement reconnues, et nous ferons mieux que les portos portugais!»