Les plus grands producteurs de vin mondiaux, toujours à la recherche du délicat équilibre entre composition du sol, climat et techniques pour parvenir aux meilleurs crus, se sont mis en quête de cette alchimie rare en Chine.

La consommation de vin a plus que doublé de 2007 à 2011 dans le pays le plus peuplé du monde et devrait encore augmenter de 40% d'ici à 2016, selon les professionnels du salon Vinexpo.

Domaines Barons de Rothschild (DBR) a choisi Penglai, une péninsule vallonnée dans la province orientale du Shandong, pour y planter des vignes sur 15 hectares.

Le Shandong a plus d'un siècle d'expérience viticole, mais souffre de la réputation d'avoir toujours privilégié la quantité sur la qualité.

Le numéro un mondial du luxe, LVMH, propriétaire notamment de Moët & Chandon, Dom Pérignon ou Veuve Clicquot Ponsardin, a lui choisi la région septentrionale du Ningxia pour y produire, sur 66 hectares, un vin pétillant.

LVMH est par ailleurs en train de récolter ses premières grappes de merlot et de cabernet sauvignon dans la province méridionale du Yunnan.

«C'est le nouvel eldorado, c'est le Nouveau monde», s'enthousiasme Jean-Guillaume Prats, qui tient les manettes de la division Estates & Wines chez LVMH.

En Chine, «personne ne sait vraiment où, ni comment produire du vin. Nous, nous avons une idée sur la question. Les gens ont essayé. Mais rien n'a été prouvé», confie-t-il à l'AFP.

Le Shandong, qui borde la mer Jaune, est connu pour son humidité. Le Ningxia est semi-aride avec des hivers très froids, tandis que le Yunnan, très montagneux, a un climat tempéré toute l'année, le sud de la province étant même tropical et baigné par la mousson.

La réputation de ces trois régions vinicoles reste encore largement à bâtir, même si le Ningxia a pris récemment quelques longueurs d'avance.

En septembre 2011, un vin rouge de cette région autonome à forte population musulmane avait fait sensation à Londres en remportant un des prix les plus importants aux Decanter World Wine Awards. Depuis, le Ningxia est considéré comme la zone la plus prometteuse, même si elle reste largement ignorée des consommateurs chinois.

Selon les spécialistes, la bonification des vins chinois prendra de toute façon des années étant donné les longs réglages nécessaires pour parvenir au terroir idéal.

Les premiers pas de l'industrie viticole dans le Shandong remontent pourtant à 1892. La société DBR a jeté son dévolu sur cette province après avoir exploré différents sites en Chine, explique Olivier Richaud, le directeur de l'exploitation de Penglai.

Le cépage ici est majoritairement du cabernet sauvignon, avec six variétés au total, cultivées sur des collines surplombant un lac.

Pour compenser les abondantes précipitations estivales, des feuilles sont coupées sur chaque cep afin de procurer aux raisins davantage d'exposition au soleil.

Et de la végétation supplémentaire est en revanche plantée entre les ceps afin d'absorber une partie des pluies.

«Tout est radicalement différent de ce à quoi l'entreprise est habituée dans tous les vignobles que nous possédons», souligne M. Richaud. Et «jusqu'au bout, nous ne saurons pas vraiment la qualité à laquelle nous aboutirons», ajoute-t-il.

De son côté, LVMH a choisi le Yunnan au terme d'une étude de trois ans, en prenant en compte la météo, la composition des terrains et l'accès à l'eau.

La zone est comparable au Bordelais, mais à plus haute altitude, indique M. Prats.

«Je suis totalement dans l'incapacité de vous dire quand ce vin sera commercialisé, comment il s'appellera et quelle quantité en sera produite».

En Chine, jusqu'à aujourd'hui, le vin a surtout été considéré comme un cadeau à offrir, les clients privilégiant les grandes cuvées étrangères tout en achetant des marques locales pour leur propre consommation, explique Jim Boyce, fondateur du site grapewallofchina.com.

Les achats de vin pour la dégustation ne représentent encore qu'une niche, mais qui se développe, précise-t-il.

Basée à Hong Kong, l'experte Jeannie Cho Lee estime que les vignobles gérés par des sociétés étrangères pourraient se révéler sources de multiples bénéfices pour ces entreprises, tout en relevant le niveau des vins cultivés et consommés en Chine.

Mais, confirme-t-elle, les inconnues planent sur le résultat à attendre.

«Il nous faut être réalistes et très prudents», affirme-t-elle, «car nous n'avons aucune idée de la qualité qui sortira».

Malgré tout, ces exploitations génèrent déjà une forte attente, en raison de la notoriété de leur marque.

Des contrefaçons de bouteilles prétendant provenir du vignoble de Domaines Barons de Rothschild au Shandong sont déjà en circulation, prévient Olivier Richaud.

«Et ce avant même que nous ayons entamé la production!»