La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJQ) a changé la manière dont elle interprète un règlement sur les permis de réunion. Ce changement, en apparence anodin, met en péril des salons de vins qui se tiennent dans la province, selon leurs promoteurs.

La RACJQ « peut délivrer à un fabricant un permis de réunion pour vendre sur les lieux d'une exposition ou d'un salon », stipule le règlement.

Jusqu'à tout récemment, le mot « fabricant » s'appliquait aussi bien aux vignerons qu'aux agents qui les représentent. Les agents pouvaient ainsi se procurer un seul permis d'alcool pour présenter les vins de plusieurs domaines dans un événement viticole. Par exemple, un exposant à la Grande dégustation de Montréal pouvait se doter d'un permis quotidien et faire goûter les vins de plusieurs domaines.

Or, la RACJQ a modifié l'interprétation qu'elle fait du règlement, explique la porte-parole de l'organisme, Joyce Tremblay. La raison : on estimait que l'interprétation antérieure favorisait les agents au détriment des vignerons.

« Par souci d'équité, on s'est rendu compte qu'un fabricant pouvait demander un permis et il l'avait, alors qu'un agent pouvait regrouper plusieurs fabricants, explique Mme Tremblay. Ça ne respectait pas l'esprit de notre réglementation. »

Ainsi, la RACJQ exige maintenant que les agents se procurent un permis d'alcool quotidien pour chaque producteur représenté.

Des coûts supplémentaires

Plusieurs organisateurs de salons de vin au Québec sont choqués de cette nouvelle façon de faire. À quelques semaines de la tenue de leurs événements, la Régie impose de nouvelles dépenses aux agents qui y participent.

Pierre Birlichi, qui organise le Salon des Vins d'Importation Privée prévu en novembre prochain, calcule que l'achat des nouveaux permis occasionnera des coûts supplémentaires de 48 000$ aux exposants de son événement. Une trentaine d'agents participent à l'événement.

« L'an dernier, ça m'a coûté 82$ de permis par jour pour avoir ma table au salon, explique M. Birlichi, qui est aussi agent. Cette année, je représente 10 vignerons, ça me coûte 82$ pour chacun, soit 820$ par jour. Ça n'a pas de sens. »

Même constat à la Grande dégustation de Montréal qui réunit une quarantaine d'agents: les budgets consacrés pour l'achat des permis d'alcool passent maintenant de 12 000$ à 45 000$.

Selon le président de l'Association québécoise des agences de vins et de spiritueux, Lucien Davalan, cette nouvelle interprétation menace les événements viticoles dans la province.

« C'est quasiment la fin des salons au Québec », juge-t-il.

La nouvelle mesure fait même sourciller la Société des alcools du Québec (SAQ). La société d'État commandite plusieurs des salons de vins dans la province, et elle craint que certains événements soient annulés en raison de la nouvelle façon de faire de la RACJQ, affirme la porte-parole, Linda Bouchard.

Le salon de Québec menacé

Certaines agences ont annulé leur présence au salon des vins de Val d'Or qui aura lieu cette fin de semaine. D'autres ont réduit le nombre de vins présentés, jugeant que les coûts sont devenus trop élevés. Et les agents de vin ne boudent pas seulement cet événement. Plusieurs ont décliné l'invitation du Salon des vins de Québec prévu en mars prochain.

« Ça me fait très peur et très mal, dit l'organisateur du Salon des vins de Québec, Vincent Lafortune. Je (le salon) ne survis pas si ça passe, si c'est formel, si c'est la loi et que ça s'applique. »

Les organisateurs de la Grande dégustation de Montréal tentent de renverser cette décision de la RACJQ par le biais de leurs avocats.