Des milliers de grappes attendent depuis le mois de septembre dans le grenier du Château d'Arlay, dans le Jura. Couchés sur des lattes de bois, les raisins sont désormais ratatinés et secs. Ils seront bientôt pressés pour élaborer du vin de paille.

Des grappes de savagnin, de chardonnay et de pinot noir ont été minutieusement sélectionnées lors des vendanges de l'automne dernier. Alain de Laguiche, au Château d'Arlay, voulait les plus beaux raisins pour son vin de paille. Car contrairement aux autres cuvées, les fruits ne sont pas pressés immédiatement après la récolte.

«Le plus grand risque, dit-il, c'est que les guêpes piquent la peau des raisins. La pourriture peut alors se former.»

Comme le nom de cette cuvée le rappelle, les raisins étaient autrefois laissés sur la paille. Aujourd'hui, ils sont plutôt déposés sur de petites lattes de bois ou de métal, et parfois même suspendus, dans un endroit sec et aéré pour que l'air puisse les sécher. Entre le début du mois de janvier et la fin du mois de février, les vignerons procèdent à la vinification de ces fruits récoltés à l'automne.

Au Château d'Arlay, on a encerclé la date du 22 janvier. Avec les mois d'attente, l'eau contenue dans les baies s'est évaporée et les fruits sont désormais gorgés de sucre. Le liquide qui sortira du pressoir sera alors d'une grande valeur. Car il faut en moyenne 100 kg de raisins pour produire seulement 12 litres de vin de paille, comparativement à près de 1,5 kg pour 1 litre de vin conventionnel.

On trouve le vin de paille dans des bouteilles de 375 ml.

Une fois vinifié, le vin passe ensuite trois années en barriques avant d'être commercialisé. En posant son oreille sur les fûts, on peut encore entendre le bouillonnement de certaines cuvées. Le vigneron explique que la fermentation de celles-ci s'est réactivée.

«Ce n'est pas nous qui forçons la fermentation, dit Alain de Laguiche. Je confie le vin à la nature et je suis toujours récompensé. Le vin trouve son équilibre.»

Le Jura n'est pas la seule région viticole à élaborer du vin avec des raisins séchés. On pratique également des méthodes semblables en Italie avec les cuvées de Recioto ou d'Amarone, dans le Rhône, au Luxembourg et même... au Québec. Le vigneron Christian Barthomeuf élabore lui aussi sa propre cuvée de vin de paille.

Le vin de paille passe à table

La sommelière québécoise Hélène Dion boit rarement du vin de paille, mais les arômes de ces cuvées sont gravés dans sa mémoire.

«Dans le verre, ça donne des épices douces, des abricots, du coing, mais aussi de la pâte de fruits, dit-elle. En bouche, c'est du velours, c'est rond et il y a une bonne sucrosité.»

Pour accompagner ce vin très onctueux, la sommelière propose un accord avec un plat salé. Elle suggère de le servir en fin de repas avec des fromages, et d'ajouter à la présentation quelques fruits séchés comme des abricots ou des écorces d'orange confites. On peut aussi compléter l'assiette avec quelques noix et des grains de cumin ou de curry.

Ces cuvées sont d'excellents vins de garde. N'hésitez pas à les oublier dans votre cave une dizaine d'années.

Ici, seulement deux vins de paille du Jura sont offerts sur les tablettes de la SAQ. On trouve dans les SAQ Signature de Montréal et de Québec le Domaine de Savagny, Côtes du Jura, vin de paille, 2004, Code SAQ: 10998978, 33$. Partout dans la province, on peut se procurer le Rolet, Côtes du Jura, vin de paille 2004, Code SAQ: 10809997, 50,25$.

L'an dernier, 192 bouteilles de vin de paille du Jura ont été vendues au Québec.