L'un des plus prestigieux vignobles du monde, Saint-Emilion, dans le sud-ouest de la France, attend avec anxiété le classement, remis en cause tous les dix ans, qui distinguera les meilleurs crus aux yeux du grand public. Les heureux lauréats pourront apposer sur les étiquettes de leurs bouteilles de la récolte 2012, mises sur le marché en 2013, les précieuses mentions «Grand cru classé» ou -mieux encore- «Premier grand cru classé», gages de prix plus élevés.

Les propriétaires des châteaux ouvrent en décembre leurs caves et domaines aux inspecteurs de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INEAO), et leur envoient des échantillons à déguster. 96 châteaux se sont portés candidats: 68 pour une demande de reconnaissance en «Grand cru classé» et 28 en «Premier grand cru classé».

Aujourd'hui, seuls treize châteaux détiennent le sésame «Premier grand cru classé». Une promotion serait vécue comme un véritable jackpot pour les lauréats qui verraient automatiquement le prix de leur bouteille augmenter. Ainsi que la valeur de leur propriété en cas de cession ou de transmission. La région du Bordelais, qui compte quelque 11 000 domaines, produit les vins les plus prestigieux et les plus chers au monde, exportés vers la Grande-Bretagne, les États-Unis ou la Chine. L'arrivée sur le marché des amateurs de l'Empire du Milieu, aujourd'hui premier importateur de vins, a fait exploser les prix. Parmi toutes les appellations du vignoble bordelais, Saint-Emilion est la seule à remettre en cause la hiérarchie de ses grands crus.

Créé en 1954, ce classement est révisé tous les dix ans. Dans l'appellation Pomerol attenante, c'est le marché qui fixe les prix et donne donc une indication de la qualité des productions. Sur la rive gauche de la Garonne, en Médoc pour les fameux rouges et dans le Sauternes et Barsac pour les très réputés blancs liquoreux, le choix s'est porté sur un système figé de «caste», avec un classement remontant à 1855 distinguant plusieurs niveaux de grands crus. C'est également un classement figé depuis 1953 qui a décidé des grands crus de Graves, les vins blancs ou rouges de l'appellation Pessac-Léognan.

L'INAO est chargée de valider le nouveau classement des Saint-Emilion en prenant en compte la qualité gustative des vins par des dégustations de 10 ou 15 millésimes, mais également en examinant la notoriété, l'assiette foncière et la conduite de l'exploitation de chacun des candidats. Selon les estimations de courtiers et négociants de la place bordelaise, le prochain classement de l'élite de Saint-Emilion ne devrait que peu évoluer, afin d'ancrer dans la durée les vignobles phares faisant la réputation de l'appellation.