Longtemps marchand de vin et chroniqueur (pour le Financial Times, de Londres), le regretté Edmund Penning-Rowsell avait l'habitude de tenir, tous les ans, une dégustation des huit premiers grands crus du Bordelais de dix ans d'âge.

Ainsi, en 1995, furent dégustés les 1985, en 1993 les 1983, etc.

C'est là -10 ans- un chiffre à retenir, car, règle générale, la très grande majorité des meilleurs bordeaux rouges brillent alors de tout leur éclat!

Et beaucoup, passé cet âge, commencent à perdre leur fruit de jeunesse et à acquérir des notes dites tertiaires. Autrement dit des arômes de cuir, de feuilles mortes, de fruits cuits, etc.

Or, et je suis du nombre, beaucoup de consommateurs préfèrent leurs vins encore parés de tout leur jeune fruit, plutôt qu'avec de telles notes tertiaires.

Histoire d'en faire l'expérience, j'ai ainsi débouché, notamment pendant les fêtes, quatre millésimes de ce bordeaux maintenant bien connu au Québec qu'est le Haut-Médoc Château Sociando-Mallet, de plus en plus cher, hélas!

Soit les 1986, 1995, 1996 et 1999, mais... l'un après l'autre, et non pas côte à côte.

Un cinquième, à savoir le 2000, fut servi celui-là à un dîner auquel le président de la SAQ Philippe Duval avait convié la presse spécialisée.

Résultat? Dense, distingué, d'une pureté et d'un éclat exceptionnels, le 2000 est aujourd'hui éblouissant. Faudrait-il le noter sur l'échelle de 100 points, je lui accorderais 91. Grand vin.

Le 1996 est pour sa part très concentré, serré, austère (89), le 1986, dans le même style, avec même quelque chose d'un peu sauvage (87), le 1999, facile, aimable (86), et enfin le 1995, d'un très grand charme il y a environ deux ans, mais qu'il n'a plus, alors qu'il semble s'être refermé (85). Bref, les heureux propriétaires de 2000 auraient intérêt à le goûter dès maintenant!

Enfin, il y a bien sûr des exceptions, certains grands bordeaux pouvant conserver leur jeune fruit pendant plusieurs décennies.

- Central Otago 2008 Pinot Noir Wild Rock, 21,70$ (11 386 084), *** 1/2, $$ 1/2, 2011-2013.

Vin de Nouvelle-Zélande, qui sera mis en vente le 10 février et comptant parmi les «top dix» de février, soit les dix vins que le comité de dégustation de la SAQ juge, pour une raison ou une autre, particulièrement dignes d'intérêt, et ceci mois après mois. Le bouquet est expressif, séduisant, nuancé, très Pinot noir néo-zélandais, et la bouche suit. Moyennement corsé, souple, il a ce côté presque toujours flatteur des vins de Pinot noir de ce pays. Un délice... le seul problème étant qu'il n'y en a que 100 caisses. 13,5% (100 caisses).

- Côtes de Nuits Villages 2009 Domaine Frédéric Magnien, 27,60$ (11 392 741), ***, $$$, 2011-2013.

Dégusté à l'aveugle comme le Central Otago 2008, il figure lui aussi dans les «top dix» de février. D'un très bon millésime pour la Bourgogne, son bouquet est très fruits rouges, épicé (le bois), quoique plutôt unidimensionnel, la bouche bien mûre, avec de l'éclat, et des saveurs franches. Très bon, sans que ce soit le plus élégant des bourgognes. 13% (100 caisses).

- Darling 2008 Shiraz Cloof, 20,10$ (11 379 757), ***, $$ 1/2, 2011-2014?

Très coloré, son bouquet... est explosif, de fruits noirs, très Syrah Nouveau-Monde, avec aussi des arômes rappelant les vins de Pinotage, ce qu'on retrouve en bouche. Corsé, corpulent, très goûteux, il compte également parmi les «top dix» devant être mis en vente le 10 février. 14,5% (150 caisses).

- Mendoza 2009 Malbec Altos Las Hormigas, 15,05$ (10 692 477), ** 1/2, $ 1/2, 2011-2015?

Vin rouge d'Argentine, bien coloré, son riche bouquet de fruits rouges comporte des notes boisées tendant vers des odeurs de sciure de bois. Charnu, d'une bonne concentration, relativement corsé, ses tannins sont gras, ronds, avec en fin de bouche des arômes boisés bien présents. Limite comme bois, mais acceptable. (Les notes boisées sont dues à son élevage dans des cuves dans lesquelles sont immergées des planches de chêne, les Argentins ayant la franchise de reconnaître les pratiques du genre.) À prix doux. 14,5% (273 caisses).

- California 2008 Syrah-Shiraz Francis Coppola, 24$ (10 355 526), *** 1/2, $$ 1/2, 2011-2013.

Au nez, on pourrait croire un vin rouge du nord de la vallée du Rhône, genre Crozes-Hermitage, tant son bouquet est bien typé Syrah et distingué. Moyennement corsé, élégant, ses tannins sont tendres, aimables, avec un boisé peut-être un peu insistant, toutefois. Élevage en fûts de chêne français. Délicieux. Produit par le cinéaste Coppola. 13,5% (588 caisses).

NOTATION DES VINS

- Plus d'étoiles que de $, le vin vaut largement son prix

- Autant d'étoiles que de $,le vin vaut son prix

- Moins d'étoiles que de $, vin cher ou même très cher

* - correct ** - bon *** - très bon **** - excellent ***** - exceptionnel