Pour ma première chronique de 2011, après une pause annuelle et aromatique (!) de quelques semaines, je vous transporte dans l'univers moléculaire de la colorée, épicée et plus que végétale betterave rouge. Ce légume-racine est tout indiqué pour accompagner vos plats d'hiver, et ce, pas uniquement en conserve dans le vinaigre! Elle a beaucoup plus à offrir, même si elle fait merveille en marinade rehaussée de clou de girofle ou d'anis étoilé.





Étant consommée depuis la préhistoire, la betterave est l'un des plus vieux légumes entrant dans la diète de l'homme. Crue, son odeur et son goût de terre humide sont provoqués par la géosmine, une molécule qui provient, entre autres, de la terre humide. On la dénote aussi chez certains vins rouges, ce qui est toutefois considéré comme un défaut.

La betterave est aussi riche en eugénol, qui est le composé volatil qui signe l'odeur chaude, épicée et sensuelle du clou de girofle. Il est intéressant de savoir que l'eugénol est insoluble dans l'eau salée; donc, ne pas saler l'eau de cuisson des betteraves lorsque vous les cuisinez avec du clou de girofle. Ainsi, une fois cuites, vos betteraves seront plus riches en eugénol, donc plus richement marquées par les saveurs complexes de cette molécule présente à la fois dans ce légume-racine et dans cette épice.

On trouve aussi dans la betterave des pyrazines. Plus particulièrement des méthoxypyrazines, qui sont des composés aromatiques présents dans le raisin, ainsi que dans plusieurs autres fruits et végétaux. Les pyrazines sont des substances aromatiques très actives, dont plus de 50 versions ont été trouvées jusqu'à présent dans les produits alimentaires.

Elles s'expriment par des notes puissantes de verdure (herbe fraîche, poivron vert, pois vert, bourgeon de cassis), allant jusqu'à rappeler celle de la terre humide. En excès, elles exhalent une puissante note végétale, comme on en détecte dans les betteraves crues et certaines pommes de terre crues et matures.

L'empreinte génétique des pyrazines contribue donc à l'arôme végétal et herbacé des vins de cabernet sauvignon, ainsi que de sauvignon blanc et sémillon, et, dans une moindre mesure, des vins de cépage merlot, carmenère, petit verdot, syrah, riesling et pinot noir. Cette tonalité terreuse un brin amère de la betterave rouge va aussi de pair avec les vins rouges aux tanins passablement marqués (la structure végétale des tanins s'unit à celle de la betterave rouge).

Le xérès fino est aussi richement pourvu de pyrazines aromatiques. Elles ont un seuil de détection très bas, donc même à l'état de trace dans les vins, elles peuvent avoir un impact significatif sur son pouvoir d'attraction et d'harmonie avec les aliments au profil aromatique marqué de pyrazines, et ce, même si le vin en question ne semble pas «sentir» les notes végétales de cette famille de composés.

Enfin, on dépiste des pyrazines dans une pléiade d'aliments, comme le poivron vert, les pois verts, les haricots verts, les asperges, les pommes de terre, les noix, le cacao (et le chocolat noir, spécialement le 100% cacao), le café, qui deviennent tous ainsi des ingrédients complémentaires à cuisiner avec la betterave rouge.



François Chartier est l'auteur du guide des vins et des mets La sélection Chartier 2011 et du livre Les recettes de Papilles et molécules. Suivez-le sur Twitter : PapillesetM

Mes choix aromatiques pour la bettrave rouge

Laderas de El Sequé 2009

Alicante, Bodegas y Vinedos El Sequé, Espagne

13,50$ (10359201) **1/2 $1/2, CORSÉ

Ce cru d'Alicante se montre toujours aussi engageant, complet, passablement riche, généreux et d'une bonne allonge, spécialement pour le prix demandé.

Le plus beau, c'est qu'avec le temps, après une ou deux années de bouteille, il gagne en définition et en expressivité. Sachez que le domaine Laderas de Pinoso, appartenant à la célébrissime maison Artadi, est l'un des spécialistes du cépage monastrell, qui compose ce cru à 70% (complété par un assemblage de syrah et de cabernet sauvignon).

Après l'avoir oxygéné en carafe 15 minutes, servez-lui un sauté de boeuf au gingembre accompagné de betteraves rouges sautées à la poêle, avec notre émulsion «Mister Maillard»; une vinaigrette sans vinaigre pour amateur de vin rouge (voir la recette de l'émulsion sur le site www.telequebec.tv/emissions/curieuxbegin).

Photo: La Presse

Laderas de El Sequé 2009

La Vendimia 2009



Rioja, Bodegas Palacios Remondo, Espagne

16,05$ (10360317) ***$1/2, MODÉRÉ+

La Vendimia, composée de grenache et de tempranillo, a plus que jamais tout pour plaire, ce qui l'a positionnée au sommet de mon «top 100» 2010.

Nez toujours aussi engageant, exhalant de très aromatiques et élégantes notes de fraise, de poivre et de girofle. Bouche gourmande comme par les millésimes passés, d'une fraîcheur digeste, aux tanins fins et dodus, au corps modéré mais pulpeux, et aux saveurs éclatantes et longues, spécialement pour son prix plus que doux.

À table, réservez-lui une salade de boeuf grillé fortement et de betteraves rouges poêlées et aromatisées au clou de girofle - à moins de tout simplement égrainer un crumble d'outside cut de boeuf fortement grillé sur votre salade de betteraves! -, tout comme un risotto au jus de betterave parfumé au quatre-épices.

Photo: La Presse

La Vendimia 2009

Pinot Noir «Montes» 2009

Vallée de Casablanca, Montes, Chili

17,75$ (10944187) **1/2, $1/2, MODÉRÉ

Coup de coeur avec son précédent 2008, ce pinot est toujours une aussi bonne affaire dans sa version 2009.

L'un des beaux pinots chiliens sous la barre des 20$, se montrant expressif, épicé à souhait (cannelle, muscade, poivre), débordant de fruits (fraise, cerise), aux tanins mûrs, au corps presque plein, sans excès, avec élégance et finesse. Il faut dire que cette maison est à ranger parmi les références chiliennes de l'heure.

Confectionnez-lui un fromage à croûte fleurie à la poudre de clous de girofle (macérées quelques jours au centre du fromage préalablement tranché à l'horizontale).

C'est aussi le compagnon sur mesure pour un fumant bortsch, tout comme pour une fricassée de poulet grillé et de betteraves rouges poêlées et aromatisées au quatre-épices.

Photo: La Presse

Pinot Noir «Montes» 2009