L'anecdote qui suit en dit long sur l'influence que peuvent avoir à la fois une étiquette, surtout prestigieuse, et le prix d'un vin donné.

Il y a de cela plusieurs années, après avoir dégusté à l'aveugle je ne sais plus trop quel millésime du célèbre Margaux Château Palmer, et l'avoir mal noté, un dégustateur britannique, en découvrant de quel vin il s'agissait, s'empressa, toute honte mise de côté... de relever sa note.

Manifestement, et qu'il ait eu tort ou raison, il n'osait pas se tenir dans ses bottes - il pliait l'échine devant ce grand nom!

«La vue d'une étiquette vaut 20 années de dégustations», a déjà dit Michael Broadbent, autre dégustateur anglais bien connu et qui fut pendant très longtemps directeur du service vin de la maison de vente aux enchères londonienne Christie's.

Tout ceci pour dire que ni le prix élevé d'un vin, ni son appellation, ni même la notoriété du cru en question ne sont des gages absolus de qualité.

Car même si la chose est beaucoup moins fréquente à l'heure actuelle - à cause des techniques très raffinées aujourd'hui d'usage courant dans de multiples domaines viticoles, et avant tout dans les plus réputés -, il arrive encore, certaines années, que de grands noms... ratent leur vin.

Prenons le problème par l'autre bout...

À savoir qu'il y a encore, même à l'heure actuelle, des vins d'appellations modestes ou prestigieuses, ou entre les deux, qui sont vendus à prix correct, même en cette période d'inflation accélérée du prix des vins.

Des vins, bien sûr, comme en recherchent de nombreux consommateurs. En voici donc quelques exemples.

Chablis 1er cru Vaulignot 2008 Louis Moreau, 25,55$ (480285), ***1/2,$$$, 2010-2015.

Le moins cher (bravo!) et le plus vendu au Québec des chablis 1ers crus... D'un jaune doré plus accentué que ne le sont d'habitude ces vins, non boisé, minéral au nez comme tout bon chablis, il reste dans ce millésime fidèle à son style. Plus dense, en effet, que la plupart des chablis, plus goûteux, il offre aussi un après-goût d'une persistance remarquable. 12,5% (130 caisses).

Barolo 2006 Beni Di Batasiolo, 26,80$ (10856777), ***1/2,$$$, 2010-2017.

Moins cher que beaucoup d'autres Barolos, ce vin disparaît toujours à la vitesse de l'éclair... Il en sera sans doute de même pour le 2006, avec raison. Couleur caractéristique, grenat-acajou, qu'accompagnent un bouquet bien typé Nebbiolo (cuir, sucre brûlé, etc.) et une bouche tout aussi satisfaisante - tannique, assez carrée. Sera de très bonne garde. Élevage en foudres de 10 000 litres. 14% (69 caisses).

Ribera del Duero 2006 Emilio Moro, 26$ (11129993), ***1/2,$$$, 2010-2018?

Vin rouge espagnol, de Tempranillo uniquement, élevé pour moitié en fûts de chêne français et pour l'autre moitié de chêne américain. Bien coloré, quoique sans rien d'opaque, son bouquet est ample, avec des notes épicées (le bois) et fumées. Relativement corsé, charnu, ses tannins sont serrés, le bois bien présent, mais le vin le prend bien. Très bon. 14,5% (68 caisses).

Central Otago 2008 Pinot noir Felton Road, 59,50$ (11200606), ***1/2,$$$$ 1/2, 2010-2015.

Vin d'entrée de gamme d'un des meilleurs - sinon du meilleur - producteurs de Pinot noir de Nouvelle-Zélande. Et... cher celui-là, vu sa notoriété. Bien coloré, son bouquet est très mûr, très Pinot noir néo-zélandais, et la bouche suit, veloutée, séduisante, d'un charme accompli. Les quatre étoiles ne sont pas loin. 14% (35 caisses).

Rosso Dell'Umbria 2006 IGT Rojano Cantina Tudernum, 24,40$ (11155585), ***1/2,$$$, 2010-2013.

Curieux vin rouge d'Ombrie (Italie), associant Sangiovese (60%), Merlot (30%) et Sagrantino (10%) et élevé en fûts, sa couleur un peu tuilée montre des signes d'évolution. Le bouquet est nuancé, encore là assez évolué quoique sans rien de déclinant, et la bouche suit, avec des notes de cuir bien présentes, et des nuances de fruits cuits. 13,5% (54 caisses).

Côtes du Roussillon Villages 2009 Les Vignes de Bila-Haut Chapoutier, 15,95$ (11314970), ***1/2,$1/2, 2010-2014.

Exemple percutant de très bon rapport qualité-prix, sinon imbattable. Fait de Syrah, de Grenache et de Carignan, puis élevé en cuve, ce vin rouge a entre autres comme particularité d'être entièrement égrappé - on retire donc la partie boisée, ou ligneuse, des grappes avant de les mettre à fermenter. Résultat, une belle couleur soutenue, un bouquet de bon volume, de fruits noirs, net, que suit une bouche charnue, avec du corps, des saveurs pleines d'éclat que domine la Syrah, des tannins à la fois fermes et bien enrobés. Savoureux. 14,5% (1463 caisses).