Après deux reports causés par le froid, la cueillette des raisins qui serviront à faire le vin de glace a débuté samedi matin, au vignoble L'Orpailleur, à Dunham, dans l'Estrie.

Vigneron de père en fils et propriétaire de l'Orpailleur, Charles-Henri de Coussergues, explique que, dans son métier, le véritable patron, c'est Dame nature. «L'on ne peut pas cueillir le raisin quand il fait moins de 12 sous zéro, a-t-il soutenu, car sous cette température, le raisin est gelé trop dur et le pressurage est interminable.»Mais ces légers retards ne sont qu'un moindre mal, surtout que la cueillette des raisins pour le vin de glace a déjà eu lieu aussi tard qu'à la mi-janvier.

En fait, Dame nature a surtout sévi en novembre cette année. Le temps exceptionnellement chaud qui a perduré tout au long du mois a asséché les raisins accrochés dans des filets, à la merci des éléments.

Conséquence à prévoir, la production de bouteilles de 200 ml de vin de glace ne devrait pas dépasser les 25 000 cette année alors que l'an dernier, la fermentation des raisins avait permis d'embouteiller 37 000 fioles de 200 ml.

«Mais ce sera un vin exceptionnel», a assuré le vigneron, dont le vin de glace a maintes fois été primé dans divers concours viticoles. Lorsque le raisin sèche de cette manière, il se vide de son eau, sa concentration en sucre est donc beaucoup plus élevée.

Le processus de préparation du vin de glace en est un long et coûteux. De là le prix élevé du produit une fois celui-ci arrivé sur les tablettes, en plus du fait que la production de l'Orpailleur est entièrement manuelle. Ainsi, il faudra compter une bonne année avant que le vin qui sera tiré des raisins cueillis samedi dernier soit mis en vente.

Le sirop tiré du raisin lors du pressurage est fait presque complètement de sucre. Une fois mis en cuve, le jus de raisin est fermenté par l'action de levures qui digèrent le sucre. Quand on parle de jus tiré de raisins glacés, le travail de la levure est beaucoup plus long et ardu. C'est pour cette raison que la fermentation dure entre quatre et six mois. Mais c'est cette lenteur qui contribue à donner toutes les saveurs, tous les arômes à ce produit.

Pour l'employée du vignoble de L'Orpailleur depuis quatre ans, Noémie Raiche, le temps de la récolte des raisins de glace est l'une de ses périodes préférées.

«C'est le bonheur. On commence souvent la cueillette en pleine nuit. Quand le soleil se lève sur le vignoble, que sa lumière reflète sur la neige, à travers les filets remplis de raisins, c'est féerique», a soutenu Mme Raiche.

La cueillette des raisins de glace se fait en quelques heures à peine. Mais il s'agit là de leur seconde cueillette. Les grappes de raisins sont détachées de la vigne dès le premier gel, une fois le plant tombé en dormance, et sont placées dans des filets, à l'air libre, où le soleil, le vent, le froid contribuent à les gorger de sucre.

«Encore une fois, tout est fait à la main, a ajouté Charles-Henri de Coussergues. Pour nous, pas question de passer à l'industrialisation de nos procédés. On veut rester à l'échelle humaine. C'est ce qui distingue les vins québécois de tous ceux faits ailleurs dans le monde», a conclu le vigneron.