Petrus, Romanée-Conti, Château d'Yquem... : produits de luxe au même titre que les sacs et autres accessoires griffés, les crus prestigieux attisent la convoitise de faussaires dont les bouteilles se multiplient sur le marché, selon des professionnels interrogés par l'AFP.

Les faux vins, «ça a toujours un peu existé, mais c'est sûr qu'avec les prix croissants des grands vins ça s'est amplifié», déclare Sylvain Boivert, directeur du Conseil des grands crus classés. Pour autant, «on n'est pas sur des productions industrielles de faux, contrairement aux marques de luxe», souligne-t-il.

La contrefaçon «touche cinq-six très grands Châteaux à Bordeaux où il y a une réelle capacité à faire une plus-value et où il y a une demande mondiale parce que ce sont des produits rares», explique Bernard Magrez, propriétaire de 35 vignobles dont de grands crus bordelais. Mais les vins de Bourgogne ne sont pas épargnés, notamment la prestigieuse Romanée-Conti.

Etiquettes photocopiées, noms de Châteaux différents sur la capsule et sur l'étiquette.., «plus on est loin du marché d'origine, plus les faux sont grossiers», souligne Angélique de Lencquesaing, fondatrice du site de ventes aux enchères IdealWine. Parfois la bouteille est authentique mais ne contient pas le vin ou le millésime indiqué, ou seulement partiellement, le niveau du vieux vin ayant été complété par un autre à l'aide d'une seringue à travers la capsule.

Selon M. Magrez, la contrefaçon s'est développée «quand la Russie s'est mise à consommer, après la chute du Mur». «Il y avait une tentation énorme parce qu'il y avait une demande considérable».

À l'ex-bloc soviétique s'ajoute désormais l'immense marché chinois. Le problème des faux vins, «très anecdotique» sur le marché français, «pourrait prendre une ampleur beaucoup plus grave en Asie parce que c'est un marché qui se développe à une vitesse foudroyante», souligne Mme de Lencquesaing.

La Chine est aussi «le principal contrefacteur», selon Renaud Gaillard, délégué général adjoint de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux de France.

Outre les sites Internet de vente entre particuliers, les fausses bouteilles se glissent surtout dans les ventes aux enchères. «Les maisons de vente ne sont pas toujours aussi exigeantes qu'elles le devraient», déplore David Rridgway, chef sommelier du célèbre restaurant parisien La Tour d'Argent.

Par exemple, «des Romanée-Conti 1945, on sait qu'il n'y en avait que 600 produites. Mais je ne sais pas combien de milliers de bouteilles on a vu sur des ventes», dit-il.

En témoigne aussi la mésaventure de Laurent Ponsot, propriétaire du Domaine Ponsot, en Bourgogne, qui a découvert en 2008 que, lors d'une vente à New York, «106 flacons sur 107» étaient des faux. Le catalogue mentionnait «une vente de Clos Saint Denis 1945 et d'autres millésimes anciens alors que nous n'avons commencé à produire cette appellation particulière qu'en 1982», raconte-t-il.

«Les faussaires ne sont pas asiatiques, ils sont européens ou américains», affirme M. Ponsot. Il a dû se rendre sur place pour empêcher la vente et ne cache pas qu'il va entamer des poursuites judiciaires.

Une attitude qui contraste avec celle de nombreux producteurs victimes de contrefaçon. «Il y a +l'omerta+ sur tout ça», dit l'expert Claude Maratier. «Ils ont trop peur que l'intégralité de leur production soit mise en doute. Ils déposent plainte, mais toujours en douce».

Tout aussi discrètement, les domaines développent des procédés de plus en plus sophistiqués pour tenter de protéger à la fois les bouteilles et leur contenu.