Pas facile de faire du vin au Québec. Encore moins de le vendre!

Pour les quelque 80 vignerons du Québec, le climat hostile n'est pas nécessairement le plus grand obstacle. Percer à la SAQ et chez les restaurateurs d'ici représente sans doute le plus grand défi de cette jeune industrie.

Les relations entre la SAQ et les vignerons québécois s'améliorent, dit le porte-parole de ces derniers, Charles-Henri de Coussergues, mais il reste beaucoup à faire pour la commercialisation, la visibilité, la reconnaissance.

 

«Depuis 2001, on a senti une ouverture de la SAQ envers nous, ouverture qui s'est accélérée sous Sylvain Toutant (l'ancien PDG de la SAQ), mais nous ne sommes pas très visibles dans les succursales de la SAQ, explique M. De Coussergues, propriétaire de l'Orpailleur, à Dunham.

«Nous aimerions que la SAQ ait le mandat de promouvoir les vins d'ici, comme les sociétés d'État le font en Ontario (LCBO) et en Colombie-Britannique (BCLB)», ajoute-t-il.

Les vignerons québécois réclament deux choses: une majoration moindre sur leur vin par la SAQ et un meilleur positionnement en succursale et dans les activités de la SAQ.

En ce moment, la SAQ impose aux producteurs québécois la même politique de majoration qu'aux fournisseurs étrangers. La majoration moyenne pour un vin québécois est de 135%, alors qu'elle n'est que de 40% pour le cidre.

«Je vends une bouteille 5$ à la SAQ, qui la revend 12$, parfois 15$. Ça n'a pas de sens, je préfère vendre mes produits au domaine», me disait récemment un vigneron.

La SAQ refuse d'accorder un statut privilégié ou un traitement particulier aux producteurs québécois, affirmant que cela contreviendrait aux accords internationaux (subventions déguisées à la production agroalimentaire).

L'Association des vignerons du Québec pourfend cette position. «L'Ontario et la Colombie-Britannique le font depuis des années; la Nouvelle-Écosse vient de commencer en majorant de seulement 45% les vins locaux. Pensez-vous vraiment que les géants comme la France, l'Espagne ou l'Italie vont partir après la SAQ pour une petite industrie comme la nôtre?» demande Charles-Henri de Coussergues.

Selon la SAQ, oui, justement. L'Union européenne suit de très près ce qui se fait chez nous et pourrait porter plainte contre le Canada (à suivre).

Autre grief, répété depuis des années: la visibilité des produits.

«La SAQ met souvent nos produits dans le coin le plus exsangue des succursales, à travers les alcools de fruits et les trucs exotiques; cela ne nous aide pas du tout», résume un oenologue québécois.

Les ventes de vin québécois sont en forte hausse dans le réseau de la SAQ, mais les politiques actuelles freinent néanmoins la croissance, disent les producteurs.

La SAQ snobe-t-elle les vins d'ici?

C'est ce que pensent certains producteurs, mais la société d'État affirme au contraire vouloir faire plus de place aux vins d'ici, en leur accordant prochainement un véritable espace mieux positionné.

L'an dernier, seulement 12% de la production de vin québécois a été vendue à la SAQ, où les ventes totales de vin québécois sont tout de même passées de 130 000$ à 2 millions au cours des huit dernières années. Le nombre de fournisseurs québécois à la SAQ a augmenté de 4 à 25 et le nombre de vins, de 5 à 80 produits durant la même période.

«Sans l'appui formel et institutionnel de la SAQ, l'avenir est imprévisible et il est difficile d'attirer des investisseurs, reprend M. De Coussergues. C'est un frein pour l'industrie, nous avons l'impression de toujours devoir quêter.»

La SAQ finance le Salon des vins québécois (au Complexe Desjardins, les 30 octobre et 1er novembre), mais les producteurs voudraient aussi voir leur vin en vedette dans les activités commanditées par la SAQ, par exemple, lors de la Coupe Rodgers de Tennis à Montréal.

«Nous croyons aux vins québécois et nous avons un rôle dans le développement de l'industrie, mais c'est une jeune industrie et c'est long à développer, une industrie», affirme Alain Brunet, vice-président commercialisation à la SAQ.

En plus d'opérations-rabais spécifiques aux vins québécois, la SAQ prépare aussi un «spécial vin d'ici» pour la prochaine Fête nationale. Par ailleurs, la SAQ ne s'oppose pas à la création de nouveaux canaux de distribution pour les producteurs québécois, mais cela relève de la Régie des alcools, des courses et des jeux, précise M. Brunet.

La croissance de l'industrie viticole québécoise passe aussi par les restaurants, qui demeurent réticents envers les vins d'ici.

«On a l'impression qu'il y a encore une certaine gêne de la part des restaurateurs de mettre des vins québécois sur leur carte», conclut M. De Coussergues.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca

MOINS DE 20$

Château Coupe Roses Les Plots, Minervois 2007 (Code SAQ: 00914275) 18,85$

Il y a avait un bon moment que j'avais trempé les lèvres dans ce minervois. Syrah, grenache, carignan donnent une bonne dose de poivre, typique de cet assemblage en cette région. Il faut aimer le genre et, surtout, passer en carafe au moins une heure avant. Amateurs de vins soyeux s'abstenir.