Je me souviens d'une dégustation ouverte au public organisée par la SAQ il y a quelques années et animée, notamment, par Hubert de Boüard de Laforest, copropriétaire du célèbre Château Angélus (Saint-Émilion premier grand cru classé).

L'ambiance (comme c'est malheureusement presque toujours le cas dans ce genre d'événement) était un peu trop coincée à mon goût. Certains amateurs ont apparemment bien du mal à comprendre que le vin doit être avant tout tripatif, comme dirait ce bon vieux Languirand.

 

Par contre, le conférencier était tout à fait divertissant. Un concentré d'aristocrates à doubles particules, cravate et mouchoir de poche pure soie, au verbe soyeux comme ses plus grands vins.

L'Angélus, évidemment, était époustouflant. «Y'est bon en criss», avait murmuré à la blague un de mes collègues, grand connaisseur sans prétention, pour détendre l'atmosphère surchargée de pesants superlatifs. Sur quoi, j'opinai du bonnet.

Le prix corsé de l'Angélus ne nous permettant pas de rêver à la caisse, nous avions été charmés aussi par le bébé de M. de Boüard de Laforest, La Fleur de Boüard, dont il était lui-même très fier.

Produit dans son nouveau vignoble de Lalande-de-Pomerol (Saint-Émilion adjacent), ce vin n'avait pas les titres de noblesse du grand Angélus, mais il en mettait néanmoins plein la vue (la bouche, en fait). Autour de 35$ (de mémoire, en 2000), ce vin se classait parmi les bonnes affaires bordelaises.

Malheureusement, comme c'est si fréquent, le succès de La Fleur de Boüard et sa famille prestigieuse lui sont montés à la tête, faisant exploser son prix. De la trentaine de dollars, il est passé à plus de 60$ en deux ans! Le vin n'était pourtant pas deux fois meilleur.

Tapez «La Fleur de Boüard» sur l'inventaire en ligne de la SAQ et vous constaterez d'ailleurs que les quelque 2002 restants sont soldés à 51$ (au lieu de 61$). C'est encore trop cher, si vous voulez mon avis. Encore quelques mois, et ces bouteilles iront terminer leur carrière dans un panier de rabais à la SAQ Dépôt.

Tant mieux. Il est temps de revenir à la raison. La Fleur de Boüard à 62$, c'est du DÉLIRE!

Bonne nouvelle, il est maintenant en prévente (dans l'opération Primeurs de la SAQ) à 39$ la bouteille ou 429$ la caisse de 12. À ce prix-là, Hubert de Boüard de Laforest pourra encore s'acheter des carrés Hermès et vous, vous pourrez goûter son excellent vin sans avoir l'impression d'encourager le vice.

C'est une tendance lourde cette année, dont je vous entretenais la semaine dernière: le prix des bordeaux, petits et grands, est généralement en baisse. Les excès des dernières années semblent terminés, surtout pour les «petits» vins sans titre de noblesse.

Par exemple:

- Château de la Dauphine, Canon-Fronsac (que je n'achetais plus parce que trop cher): après avoir frôlé les 40$, il vient de retomber à 25$.

- Château Rouget. Pomerol: de 55$ en 2007 à 49$ en 2008.

- Château Brown, Pessac-Léognan: 37$ en 2005; 32$ en 2008.

Pour les grands crus classés et les crus classés, on note, dans la plupart des cas, une légère hausse ou le statu quo. Certains producteurs ont aussi baissé leur prix pour 2008.

Outre la récession, qui oblige les producteurs à tenir compte des moyens restreints des consommateurs, deux autres facteurs expliquent en grande partie les baisses à la SAQ. D'abord, une négociation plus musclée de la SAQ auprès des producteurs et un ralentissement de la demande des Chinois et des Russes, deux nouveaux acteurs sur le marché.

La semaine prochaine - Grands bordeaux: la SAQ mieux que la LCBO.

 

MOINS DE 20$

Sterling Vintner's Collection, Chardonnay, Central Coast 2008 (Code SAQ: 11073969) 14,95$

Un rapport qualité-prix exceptionnel, surtout pour un californien. Un peu de fleur, un peu de fruits (pêche?), un peu de beurre; bref, un excellent équilibre.