Les plus grands crus du Bordelais ont fortement baissé le prix de vente en primeur de leur millésime 2008, en dépit d'une qualité jugée supérieure à 2007, pour tenter de relancer une demande rendue atone depuis l'automne par la crise économique.

La campagne 2008 marquerait ainsi le retour des amateurs de vin, européens, séduits par des tarifs plus sages.Pour reconquérir les consommateurs traditionnels, effrayés ces dernières années par l'envolée des cours, les «marques» les plus prestigieuses - Lafite-Rothschild, Latour, Margaux, Mouton-Rothschild dans le Médoc, Angélus à Saint-Emilion, Yquem dans le Sauternais - ont annoncé des prix en forte baisse, de l'ordre de 50% par rapport à 2007, selon les professionnels interrogés par l'AFP.

Dans le contexte de crise économique, les financiers américains et anglais se détournent depuis plusieurs mois des grands crus, ceux dont la bouteille dépasse les 150 euros et qui, depuis la belle année 2005, nourrissaient une forte spéculation.

Avec le brutal arrêt de la demande, les professionnels bordelais-- propriétaires, négociants, courtiers-- redoutaient cette année la campagne des primeurs qui, à travers l'intérêt suscité par les 40 ou 50 étiquettes les plus renommées, donne généralement la tendance pour l'ensemble de la filière.

Cette spécificité bordelaise permet aux acheteurs du monde entier d'acquérir un millésime par anticipation, deux ans avant sa mise sur le marché. Ce système permet, d'une part, aux acheteurs de sécuriser l'achat des crus les plus demandés, en principe à des prix plus intéressants, et offre, d'autre part, une avance de trésorerie aux propriétés.

Lancée en avril avec la visite de milliers de professionnels venus déguster le millésime 2008, cette campagne est finalement qualifiée de «molle» mais «moins mauvaise que prévu» par les professionnels interrogés par l'AFP.

«On parle d'une campagne à la revente (entre négociants et acheteurs) à peu près du niveau du millésime 2004, ce qui n'est pas mauvais en chiffres d'affaires», estime Georges Haushalter, président de l'Union des maisons de Bordeaux, qui regroupe environ 400 négociants.

La demande reste faible aux Etats-Unis et en Asie, à l'exception du Japon, mais est en revanche soutenue de la part des consommateurs européens, constatent les professionnels.

«On a reçu des encouragements de particuliers qui nous ont dit qu'ils étaient heureux de pouvoir à nouveau acheter des grands crus», souligne Hubert de Bouärd, propriétaire de Château Angélus, le premier à annoncer des prix en baisse de 40% (avec une bouteille à environ 70 euros HT pour le consommateur).

Une tendance suivie par la quasi-totalité des propriétés, entraînant «un véritable appel d'air», selon Patrick Bernard, responsable de la société de vente par internet Millesima.

La campagne a également échappé au pire grâce aux commentaires favorables sur la qualité du millésime 2008 en rouge, notamment ceux, très suivis, du critique américain Robert Parker.

Reste maintenant pour les propriétés et les négociants à gérer les encombrants stocks du millésime 2007, à la qualité globalement jugée inférieure à 2008. «Ayant vendu le 2008 moins cher, quel argument va-t-on trouver pour vendre le 2007?», s'inquiète Jeffrey Davies, négociant américain installé à Bordeaux.