Mon collègue Jacques Benoit, réputé et respecté dégustateur à La Presse depuis des années, posait récemment en ces pages une question fort intéressante: les critiques de vin doivent-ils noter?

Pour moi, la réponse est évidente: OUI.

Mais pour répondre, posons la question de départ autrement: quel est le rôle du critique (en vin comme en cinéma ou en gastronomie)?

 

Guider. Et pour guider, il faut donner des explications claires, des repères utiles, des faits et partager avec le néophyte son expertise pour l'amener à chaque sortie un peu plus loin dans ses découvertes.

Donc, les meilleurs dégustateurs (nous en avons quelques-uns de très bons au Québec) doivent se mouiller et parfois aussi prendre les amateurs par la main.

Cela dit, un guide n'est pas un messie et ses critiques ne sont pas paroles d'évangile. Ce sont des conseils de connaisseurs, des suggestions, pas des commandements.

Ce n'est pas parce qu'un grand critique international trippe sur tel gewurtztraminer que vous DEVEZ l'aimer absolument vous aussi.

On apprend à aimer certains critiques, à respecter leur jugement et à leur faire confiance, mais pour moi, un bon vin, c'est d'abord un vin que l'on aime. Peu importe ce qu'en pense Robert Parker.

D'ailleurs, il suffit de lire la biographie non autorisée de Robert Parker, extrêmement dure à l'égard du maître, pour comprendre que celui-ci tourne souvent les coins ronds (Robert Parker: anatomie d'un mythe, d'Hanna Agostini ed. Scali 2007).

Le bonhomme a un pif exceptionnel, qu'il a d'ailleurs assuré pour un million au cas où il perdrait accidentellement l'odorat (et son lucratif gagne-pain). Cela ne le rend toutefois pas infaillible.

Le problème, dans l'industrie du vin, c'est que Robert Parker et quelques revues spécialisées, comme Wine Spectator, sont devenus puissants au point d'influencer (lire: uniformiser, selon leurs goûts) la production de régions entières.

Les Français, en particulier dans le Bordelais, ont même inventé le terme «parkerisation» pour décrire cette vilaine manie qu'ont trop de producteurs de sur-boiser leurs vins pour plaire au gourou américain.

Non pas que l'avis de Parker et d'autres ne soient pas instructif et utile, mais leur influence est telle qu'ils ont créé le «syndrome du 90 et plus», un score qui assure presque assurément succès et fortune à un producteur.

Cela a pour effet de créer un engouement pour des vins qui ne méritent pas toujours de tels mouvements de foule. Évidemment, les prix de ces vins explosent et les amateurs doivent jouer du coude (quand ils en ont les moyens) avec les spéculateurs pour mettre la main sur certaines bouteilles.

Un restaurateur de Montréal, qui gère une des plus grandes caves en Amérique du Nord, me parlait ainsi il y a quelques années du Wine Speculator.

Le «syndrome du 90 et plus» a même atteint ces jours-ci la LCBO, le pendant ontarien de la SAQ, qui vient de lancer une offre «90 et plus» dans son catalogue de nouveaux arrivages du 31 janvier.

Au total, une quarantaine de vins choisis exclusivement à partir des notes de 90 et plus des Robert Parker, Wine Spectator, Wine Enthusiast et autres (vous pouvez jeter un oeil sur vintages.com).

Que les marchands privés aux États-Unis tapissent leurs boutiques des notes des grands critiques (certains gros détaillants ont même des étiquettes promotionnelles spéciales arborant le nom de Parker ou le logo de Wine Spectator), soit, mais est-ce bien le rôle des monopoles d'État comme la LCBO et la SAQ de participer à cette surenchère clinquante?

 

MOINS DE 20$

QUINTA DO CASTELINHO, RESERVA, DOURO 2005 (CODE SAQ: 00 897 819), 18,35$

Du Portugal, mais pas du porto, pour une fois! Un rouge corsé, un peu cerise, un peu café, pas nécessairement subtil (c'est le lot de la majorité des vins portugais), mais charpenté pour accompagner des grillades ou le saucisson.