Une utilisation importante des réseaux sociaux nuit à la santé mentale des adultes, mais seulement au-delà de 30 ans. Telle est la conclusion d'une nouvelle étude américaine, qui propose qu'il puisse s'agir d'une différence « générationnelle ». Nos explications.

LE CONTEXTE

Beaucoup d'encre coule actuellement au sujet de l'influence des réseaux sociaux sur l'opinion publique. Cette question est indissociable de leur impact sur la santé mentale, selon Bruce Hardy, professeur de communications à l'Université Temple, en Pennsylvanie, et auteur principal de l'étude publiée à la fin du mois d'avril dans la revue Computers and Human Benavior. « Les réseaux sociaux jouent sur les émotions, dit M. Hardy. Ça a un effet sur les élections, mais l'impact sur les sentiments au jour le jour a beaucoup plus d'importance pour notre société. Les problèmes de santé mentale vont de pair avec des sentiments négatifs, de ne pas être à la hauteur, de ne plus être capable de supporter la pression sociale. »

LA GENÈSE

De nombreuses études se sont penchées sur l'effet d'une utilisation intensive des réseaux sociaux sur la santé mentale, mais leurs résultats étaient contradictoires. « Nous avons fait l'hypothèse que pour les gens qui ont toujours été en contact avec leurs amis par les réseaux sociaux, l'effet est moindre, voire inexistant, explique Bruce Hardy. Sur les réseaux sociaux, on présente généralement ses meilleurs coups, une version enjolivée de sa propre vie. Quand on n'a pas eu de contact pendant 15 ou 20 ans avec un ami d'enfance, et qu'on se retrouve sur Facebook, ça peut donner l'impression qu'il a beaucoup mieux réussi sa vie que soi. Mais si on a toujours été en contact avec cette vie idéalisée, il n'y a pas de choc. Concrètement, ça veut dire que pour les adultes d'aujourd'hui qui utilisaient les réseaux sociaux quand ils étaient adolescents, l'effet d'une grande utilisation sera moins néfaste que pour les adultes qui étaient adolescents avant l'invention des réseaux sociaux. »

CE QUE RÉVÈLE L'ÉTUDE

L'occasion d'étudier l'influence des réseaux sociaux chez différents groupes d'âge est venue quand le chercheur de Philadelphie a travaillé sur un vaste sondage du gouvernement américain qui, depuis quelques années, comprend une section sur les réseaux sociaux. « On demande aux gens combien de réseaux sociaux ils utilisent, dit M. Hardy. C'est une approximation assez bonne et souvent utilisée du temps passé sur les réseaux sociaux. Plus une personne a de comptes de réseaux sociaux, plus elle va y consacrer de temps. » Les résultats sont clairs : chez les 18 à 29 ans, le fait de passer de un à quatre comptes s'accompagne d'une réduction de la proportion des cobayes qui rapportent avoir déjà senti être proches de la dépression nerveuse (nervous breakdown), alors que chez les plus de 30 ans, c'est le contraire. Ces résultats signifient-ils que les réseaux sociaux sont inoffensifs pour les ados ? « Non, pas du tout, dit M. Hardy. Les adultes ont généralement terminé la formation de leur identité, alors qu'à l'adolescence, c'est encore fragile, et les comparaisons peuvent être néfastes. »

ET MAINTENANT ?

M. Hardy veut maintenant lancer une étude pour voir si avoir des amis, être en couple ou avoir des enfants influence le lien entre réseaux sociaux et santé mentale. « Est-ce que ça protège les plus de 30 ans qui utilisent beaucoup les réseaux sociaux, et les moins de 30 ans qui utilisent peu les réseaux sociaux ? Il serait aussi intéressant de voir si les jeunes adultes mettent davantage en doute la véracité des profils Facebook ou Instagram parce qu'ils ont été amis à l'école avec des gens qui embellissaient leur vie sur les réseaux sociaux. Le même effet pourrait être observé chez des gens dans la trentaine ou dans la quarantaine qui ont toujours été en contact avec la plupart de leurs amis Facebook, parce qu'ils n'ont jamais déménagé, en campagne, par exemple. » Un détail dans les résultats tracasse par ailleurs le chercheur de l'Université Temple : le lien entre réseaux sociaux et santé mentale est similaire chez les 30 à 49 ans et chez les plus de 50 ans. « Ça pourrait vouloir dire qu'il y a un aspect générationnel, dit M. Hardy. Un jeune adulte qui n'utilise pas du tout les réseaux sociaux est peut-être en porte-à-faux avec la culture de sa génération, ce qui augmente les risques de troubles d'adaptation sociale. »

EN CHIFFRES

64 % des adultes canadiens utilisaient les réseaux sociaux en 2016

49 % des adultes québécois utilisaient les réseaux sociaux en 2016

34 minutes  Temps consacré par jour aux réseaux sociaux par les adultes canadiens en 2016

50 minutes Temps consacré par jour aux réseaux sociaux par les adultes canadiens de 18 à 29 ans en 2016

Sources : UFCW, CMUST

graphique fourni

Axe des X: Nombre de comptes de réseaux sociaux. Axe des Y : Probabilité d'avoir le sentiment d'être proche de la dépression nerveuse.