Mark Zuckerberg a de nouveau défendu mercredi devant les parlementaires américains le modèle économique de Facebook, empêtré dans un scandale de manipulation et de détournement de données personnelles, tout en affirmant qu'il n'était pas hostile à une régulation de l'internet, l'estimant «inévitable».

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«L'importance de l'internet grandit dans le monde et je pense inévitable une certaine forme de régulation», a-t-il dit, tout en affirmant que celle-ci devait être «étudiée attentivement» pour ne pas entraver les petites sociétés.

M. Zuckerberg n'en finit plus de s'excuser depuis la révélation du scandale Cambridge Analytica mi-mars, qui a nui fortement à l'image du groupe et fait baisser son titre en Bourse.

Selon Facebook, les données de quelque 87 millions d'utilisateurs - y compris les siennes, a admis M. Zuckerberg - se sont retrouvées entre les mains de la société d'analyse de données avant que Facebook commence à instaurer des restrictions en 2014. La firme britannique a ensuite travaillé pour la campagne du candidat républicain à la présidentielle américaine de 2016, Donald Trump.

Il a dû affronter pendant près de cinq heures le flot de questions des membres d'une commission de la Chambre des représentants particulièrement remontés. Citant les excuses successives faites par le jeune PDG ces dernières années, la démocrate Jan Schalkowsky a lancé: «cela me prouve que l'autorégulation ne marche pas».

«La seule façon de résoudre ce problème de confiance est à travers une législation qui crée et donne les moyens à une agence extérieure et suffisamment équipée, avec une autorité législative de protéger la vie privée digitale et qui assure que les sociétés protègent les données de nos utilisateurs», a renchéri le démocrate Mike Doyle.

Auparavant, Mark Zuckerberg avait assuré que les 2,2 milliards d'utilisateurs de Facebook étaient responsables des contenus qu'ils postaient.

«Chaque fois que quelqu'un choisit de partager quelque chose sur Facebook, il le fait en allant sur le service et en choisissant de partager une photo ou écrire un message. À chaque fois, il y a un contrôle», a-t-il assuré.

La question est de savoir comment sont utilisés les contenus personnels.

Le milliardaire de 33 ans, qui a déjà passé cinq heures la veille à répondre aux questions des sénateurs, a toutefois admis avoir échoué à suffisamment protéger la vie privée des utilisateurs, annonçant des mesures de contrôles supplémentaires.

«Je suis tout à fait engagé à prendre une plus grande part de responsabilité (...) pour assurer que nous ne donnons pas simplement des outils aux gens, mais qu'ils sont utilisés à bon escient», a-t-il affirmé.

«Des avertissements partout»

Après avoir admis que son réseau avait été «lent» à identifier les achats de publicité politique venus de Russie pendant la campagne électorale, il a assuré que Facebook faisait «de mieux en mieux» pour supprimer les faux comptes.

Le procureur spécial Robert Mueller enquête depuis mai 2017 sur une possible collusion entre l'équipe de campagne de M. Trump et des responsables russes pour influencer le scrutin. Il estime qu'internet et en particulier Facebook a servi de plateforme à une vaste opération de propagande pour favoriser la victoire du magnat de l'immobilier.

Dénonçant un «désastre», le représentant Frank Pallone avait affirmé en début d'audition que le Congrès devait «prendre des mesures immédiates pour protéger notre démocratie».

«Les avertissements étaient partout, pourquoi personne ne les a vus ?», a-t-il demandé.

Mais Mark Zuckerberg a évité de répondre directement à la question d'une élue qui lui demandait s'il était prêt à changer le modèle économique de Facebook, actuellement un réseau social gratuit financé par la publicité, «dans l'intérêt de la protection de la vie privée».

«Je ne suis pas sûr de ce que cela veut dire», a-t-il commenté.

Il a également salué la prochaine entrée en vigueur, le 25 mai, du nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles, appelé «RGPD».

«Le RGPD en général va être un pas très positif pour l'internet», a-t-il dit, expliquant que «les gens comprendront quels sont les contrôles et ils devront consentir» au recueil de leurs données.

Il a affirmé que Facebook tenterait d'offrir la même protection aux utilisateurs du monde entier «aussi vite que possible».

Il avait déjà fait la veille devant le Sénat des commentaires similaires sur le RGPD qui lui ont valu mercredi les remerciements ironiques de Vera Jourova, la commissaire à la Justice et à la Protection des consommateurs: «Je cherchais comment faire campagne pour notre règlement sur la protection des données. Voilà, c'est fait».

Régulation, données, manipulation: les déclarations de Mark Zuckerberg

Le PDG de Facebook Mark Zuckerberg a répondu pendant quelque dix heures mardi et mercredi aux nombreuses questions des parlementaires américains dans le sillage du scandale Cambridge Analytica. Voici les principaux points.

Excuses et promesses

«Il est évident aujourd'hui que nous n'avons pas fait assez que nous n'avons pas fait assez pour empêcher (nos) outils d'être utilisés de façon mal intentionnée. C'est valable pour les "fake news", les ingérences étrangères dans les élections, les discours haineux et (...) la protection des données personnelles. Nous n'avons pas pris une mesure assez large de nos responsabilités et c'était une grosse erreur. C'était mon erreur et je suis désolé», a-t-il dit.

Conditions d'utilisation et paramètres plus clairs, meilleur contrôle des entités diffusant des messages politiques, audits internes, embauche de personnel pour la sécurité, meilleurs outils d'intelligence artificielle, limitations des données auxquelles accèdent les applications tierces, il a énuméré toutes les mesures passées ou en cours pour faire mieux.

Il a toutefois prévenu que «même 20 000 personnes (chargées de cette mission au sein du réseau social) ne peuvent surveiller» tous les contenus circulant sur le réseau.

Régulation

«L'internet grandit en importance autour du monde dans la vie des gens et je pense qu'il est inévitable qu'il y ait une certaine régulation», a-t-il dit, tout en affirmant que celle-ci devait être «étudiée attentivement».

Interrogé à de nombreuses reprises, sur le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles, appelé «RGPD», qui doit entrer en vigueur le 25 mai, ce sont «des étapes très positives» a répondu le chef d'entreprise. Quant à savoir si les utilisateurs américains en bénéficieront, «nous travaillons afin de le faire aussi vite que possible», a-t-il dit.

Données personnelles, publicité et modèle économique

M. Zuckerberg a martelé plusieurs fois que «tout le monde mérite une bonne protection de la vie privée» tout en reconnaissant avoir failli dans la protection des données de ses utilisateurs.

«Facebook ne vend par de données personnelles» aux annonceurs publicitaires, a-t-il aussi martelé. «Nous leur permettons de cibler» les utilisateurs grâce aux données que détient Facebook, a-t-il nuancé.

Pourquoi ne pas avoir averti les usagers dès 2015 quand Facebook a appris que leurs données étaient arrivées chez Cambridge Analtyca ? «Nous aurions dû avertir (les usagers), ç'aurait été la bonne chose à faire», a-t-il dit.

En revanche, il s'est montré inflexible sur le modèle économique au coeur de Facebook.

À la question d'un sénateur qui lui demandait si le réseau aux deux milliards d'utilisateurs n'était pas un monopole, M. Zuckerberg a répondu: «je n'ai pas cette impression».

Est-il prêt à changer le modèle économique de Facebook, actuellement un réseau social gratuit financé par la publicité, «dans l'intérêt de la protection de la vie privée» ? Mark Zuckerberg a évité de répondre directement à la question: «je ne suis pas sûr de ce que cela veut dire», s'est-il contenté de répondre.

Interrogé sur le point de savoir si Facebook, le plus grand réseau social mondial, sera toujours gratuit, Mark Zuckerberg a répondu: «Il y aura toujours une version de Facebook qui sera gratuite. C'est notre mission de connecter les gens partout dans le monde et de les rapprocher et, pour ce faire, nous estimons que nous devons apporter un service que tout le monde peut s'offrir».

La manipulation russe

«Nous avons été lents à identifier» les interférences étrangères, a-t-il une nouvelle fois admis, rappelant que Facebook avait fermé nombre de comptes et pages opérées par l'Internet Research Agency, soupçonnée d'être une ferme à trolls payée par Moscou pour semer la dissension dans la société américaine, en particulier au moment de la présidentielle de 2016.

Il a assuré que sa société était engagée dans «une course aux armements» contre «des gens en Russie dont le travail est de tenter d'exploiter nos systèmes et d'autres systèmes sur internet».

Facebook «travaille» avec le procureur spécial Robert Mueller qui enquête sur de possibles interférences venues de Russie destinées à peser dans l'élection présidentielle américaine de 2016.