Entre les compétitions de jeux vidéo («sport électronique»), un marché encore en plein développement, ou le sport classique aux droits de diffusion parfois élevés, Facebook semble privilégier les premières, plus à même de l'aider à séduire de nouveaux utilisateurs.

«Nous travaillons énormément à construire un écosystème sport électronique sur Facebook. Nous voyons le sport électronique comme une priorité. Nous avons une communauté très engagée avec des centaines de millions de joueurs», explique à l'AFP Patrick Chapman, responsables des partenariats en sport électronique pour le réseau social.

Certes, le réseau social a décroché la diffusion de certains matches de NFL, la ligue de football américain, mais n'a pu en faire autant avec le cricket en Inde et ne s'est finalement même pas positionné sur l'appel d'offres pour la Premier League de football anglaise.

Dans le sport électronique, il est parti avec du retard face à ses grands concurrents américains Google et Amazon, qui se sont déjà rendus essentiels à l'écosystème du sport électronique via leurs plateformes respectives YouTube et Twitch. Celles-ci sont devenues les références pour les retransmissions, en différé ou en direct, des compétitions tant professionnelles qu'amateurs, ou même pour la diffusion de la part de joueurs souhaitant montrer leur maîtrise des jeux vidéo.

Mais Facebook a annoncé depuis fin 2016 une série de partenariats avec des éditeurs de jeux vidéo, tels Activision Blizzard, et d'alliances techniques, comme avec Nvidia.

«Facebook a accéléré sur la stratégie de contenus, le sport électronique, le crossfit (dont le réseau social retransmet aussi des compétitions NDLR), etc. Ils ont pris conscience qu'ils sont aussi un média et qu'ils peuvent proposer à leurs admirateurs des contenus à regarder», relève Vincent Chaudel, spécialiste du sport au sein du cabinet Wavestone.

Le réseau n'a en outre «pas besoin de s'embêter avec une grille de programmes. Avec un peu d'intelligence artificielle pour connaître vos goûts, il peut vous proposer une compétition de sport électronique par exemple en "live" ou dès que vous arrivez sur la plateforme», ajoute-t-il.

Facebook a encore décroché en janvier l'exclusivité des retransmissions en anglais et portugais des compétitions de deux des principaux jeux sur le circuit sport électronique, Counter Strike: Global Offensive (CS:GO) et Dota2. Elles sont organisées par l'ESL, l'un des plus gros acteurs du secteur. «Nous y avons vu une occasion d'aller toucher de nouveaux publics», note Patrick Chapman.

Car au-delà des polémiques récurrentes autour de ses contenus (diffusion de contenus violents, de fausses nouvelles...), le réseau est confronté à un problème grave pour sa survie à long terme: «La pyramide des âges de Facebook vieillit, les plus jeunes n'utilisent plus le réseau social, même s'ils sont toujours très présents sur son application (de messagerie instantanée) Messenger», rappelle Laurent Michaud, directeur d'études pour le centre de réflexion Idate.

Retenir les jeunes

«Les jeunes restent sur Facebook, mais ne passent pas autant de temps dessus. Ils ne fuient pas Facebook, qui a gagné la bataille des réseaux sociaux visiblement, mais la nature de la consommation des réseaux varie», nuance Vincent Chaudel.

Or l'sport électronique a l'avantage d'attirer des utilisateurs plus jeunes, avec une moyenne d'âge qui tourne autour des 33 ans, contre plus de 45 ans au minimum pour les sports traditionnels, selon le cabinet Nielsen. Et le coût des droits de diffusion est moindre.

«Dans les sports traditionnels, les conditions de vente de droits sont très établies, avec des modèles publicitaires et de "sponsoring" existants depuis 50 ans. C'est très différent dans le sport électronique, il y a encore énormément à faire», insiste M. Chapman.

Le réseau social n'est cependant pas seul sur ce créneau.

Face à Google et Amazon, «il y a peut-être une carte à jouer, une partie du sport électronique sera sur mobile et Facebook peut se faire une place dans ce domaine, notamment grâce à sa plateforme Messenger», estime Laurent Michaud.

La lutte n'oppose toutefois pas uniquement les grandes plateformes américaines. Les médias traditionnels, télévisions en particulier, confrontés à la même problématique d'âge de leur public, voient eux aussi dans le sport électronique une possibilité d'y remédier.

Selon le cabinet BMI Research, ces médias traditionnels, grâce à leur expérience dans le sport, ont une meilleure maîtrise de la mise en valeur des contenus, notamment auprès des annonceurs et des commanditaires, alors que les plateformes en ligne peinent encore à trouver le format idéal pour des audiences mondiales.

Pire encore, estime le cabinet, «la fidélité relative de la cible démographique» aux plateformes «signifie un investissement risqué sur le long terme» dans le sport électronique, même si «les réseaux sociaux tels que Facebook semblent idéalement placés pour bénéficier» de la croissance de ce divertissement.