Un blogueur vidéo populaire qui avait provoqué la controverse au début de l'année en diffusant des images d'un suicidé japonais vient de provoquer de nouveau l'ire de YouTube, cette fois en s'en prenant à des rats morts avec un pistolet électrique.

L'épisode survient alors que les médias sociaux se voient pressés plus que jamais de réguler le contenu diffusé par leurs utilisateurs, certains États menaçant même d'intervenir pour leur imposer des contraintes sévères en la matière.

Logan Paul, un Américain de 22 ans devenu riche à coups de provocations, a mis la vidéo dans laquelle il vise des rats morts sur sa chaîne YouTube au début de la semaine, suscitant de vives réactions de la part de plusieurs des 15 millions d'abonnés qui la suivent.

Les dirigeants de YouTube ont annoncé sur Twitter hier qu'ils avaient décidé de suspendre « temporairement » la diffusion de publicités sur la chaîne du blogueur vidéo en raison de son comportement récent, le privant de revenus considérables.

Lors de la diffusion de la vidéo tournée au Japon, l'entreprise avait d'abord réagi laconiquement en relevant qu'elle interdisait la diffusion de « contenu violent présenté d'une manière choquante, sensationnelle ou irrespectueuse ».

En réponse notamment à l'ampleur de la polémique, elle avait ensuite annoncé que Logan Paul serait retiré de la liste des « partenaires privilégiés » de la chaîne, réduisant son accès au contenu publicitaire payant.

Le blogueur vidéo avait alors assuré qu'il regrettait profondément son geste avant de réitérer son mea culpa dans une vidéo traitant du suicide où il affirmait vouloir être une « partie de la réponse » au phénomène. Son ton posé n'a cependant pas duré.

La directrice générale de YouTube, Susan Wojcicki, avait déclaré dans un blogue au début du mois qu'elle entendait revoir les politiques de l'entreprise pour pouvoir sévir contre des créateurs de contenus qui font des gestes « susceptibles de nuire significativement » à la « communauté ».

« Bien que de tels incidents soient rares, ils peuvent nuire à la réputation et aux revenus des créateurs de contenus. Nous voulons nous assurer que les politiques en place nous permettent d'y répondre de manière appropriée. »

Mme Wojcicki notait que des efforts importants avaient été faits au cours de la dernière année pour pouvoir repérer en ligne et retirer rapidement le contenu jugé contraire aux politiques de YouTube.

Elle précisait que la firme entendait faire en sorte que le nombre de personnes affectées à cette tâche excède 10 000 d'ici la fin de l'année. Le processus, ajoutait l'administratrice, est facilité par l'utilisation de systèmes sophistiqués d'intelligence artificielle qui ont fait leurs preuves dans la lutte contre le contenu « extrêmement violent » et qui sont en voie d'être utilisés pour contrer les discours haineux et le contenu problématique pour « la sécurité des enfants ».

Les déclarations de l'entreprise font écho à celles de Facebook, qui promet aussi depuis des mois d'agir plus énergiquement pour bloquer le contenu contraire à ses politiques et empêcher la diffusion à grande échelle de fausses nouvelles, comme on l'a vu aux États-Unis dans les mois précédant l'élection présidentielle.

Des États européens comme l'Allemagne ont déjà entrepris de légiférer pour contraindre les réseaux sociaux à agir plus énergiquement dans ce domaine, encourageant la remise en question en cours.

« EN RÉPONSE À DES CONTROVERSES »

Pierre Trudel, spécialiste du droit des technologies de l'information rattaché à l'Université de Montréal, pense que les entreprises du secteur continuent malgré tout de partir de l'idée qu'elles « ne devraient pas intervenir dans le contenu » mis en ligne par les usagers.

Plutôt que d'agir de manière structurée, elles semblent souvent se précipiter « en réponse à des controverses », relève l'analyste, qui craint à terme de voir les réseaux sociaux multiplier les interventions tous azimuts pour se protéger en censurant sans raison certains contenus.

La mise en scène du cadavre d'un suicidé ou la cruauté contre les animaux sont des cas relativement simples à gérer, mais il existe bien d'autres situations plus ambiguës où la voie à suivre est moins claire, relève M. Trudel.

Il pense que les entreprises devraient faire preuve de la plus grande transparence pour expliquer leurs choix et qu'une « tierce partie neutre » devrait pouvoir intervenir pour trancher en cas de litige.

« À l'heure actuelle, ce sont des sociétés privées à qui revient spontanément le rôle de déterminer ce qui est acceptable ou non », déplore-t-il.