Initialement prévue pour 2020, la cinquième génération (5G) de téléphonie mobile, qui promet plus de débit, de vitesse et doit tout connecter, entre en phase d'accélération, avec les premières annonces de déploiement commercial avant la fin de l'année.

Dans les allées du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone, la 5G est au coeur des annonces des équipementiers tels qu'Ericsson, Huawei ou Nokia, qui proposent désormais tous des équipements de réseau dédiés à cette technologie.

Juste avant l'ouverture de ses portes, les opérateurs ont profité des jeux Olympiques d'hiver de Pyeongchang (Corée du Sud) pour faire une démonstration grandeur nature des avantages de la 5G, plus adaptée aux contenus en réalité virtuelle ou ultra haute définition (4K).

Pourtant, les spécialistes du secteur restent sceptiques alors que les normes de standardisation de cette technologie n'ont été fixées par l'industrie qu'en décembre, et n'ont donc pas pu être réellement testées à Pyeongchang.

«Il y a beaucoup d'usage marketing de la 5G, mais (en réalité) on ne voit pas encore grand-chose de concret, cela ressemble plus à du LTE (de la 4G améliorée, NDLR)», estime Carole Manero, directrice d'études pour le centre de réflexion français Idate et d'ajouter: «Même en Corée du Sud, l'étendue du test laisse dubitatif».

Cependant les premières applications commerciales commencent à être mises en place.

Aux États-Unis, AT&T et Verizon prévoient d'utiliser la 5G dès la fin 2018, pour combler l'absence de fibre dans les régions les plus reculées des États-Unis encore sans internet.

Si ces annonces suscitent une relative méfiance, Dexter Thillien, analyste senior chez BMI Research, estime cependant que «ce sera normalement de la vraie 5G».

«Les derniers standards ne doivent tomber qu'à l'été, mais ce qu'ils proposeront en sera la première version, il y aura beaucoup d'évolutions ensuite, comme cela a été le cas avec la 4G», ajoute-t-il.

«Il y aura des éléments de 5G dans ce qui va être déployé, mais il reste beaucoup de travail à faire dans ce qui sera le coeur de réseau et son architecture, qui n'arriveront que dans un second temps», ajoute pour sa part Michel Corriou, directeur réseaux et sécurité à l'institut spécialisé b<>com.

Au-delà des annonces, l'univers des télécoms se prépare bien à basculer dans la nouvelle génération, en travaillant sur ses réseaux et en imaginant des cas pratiques désormais très concrets.

«Nous investissons énormément dans la 5G, près de 600 millions de dollars par an en recherche et développement. Nous allons même dépenser 800 millions de dollars cette année», expliquait Ryan Ding, président de la branche produits et solutions de Huawei, quelques semaines avant le MWC.

Les opérateurs pour leur part investissent par crainte d'être distancés par leurs concurrents sur cette technologie d'avenir, les américains arrivant premiers. Les asiatiques, Sud-coréens et Japonais en tête, ne comptent pas prendre de retard.

En Europe en revanche, ils semblent en retrait, sans annonce majeure, mais les tests se multiplient avec, à la différence de l'Asie ou des États-Unis, une approche plus axée sur les entreprises que sur le grand public.

«Les opérateurs européens savent que la demande sera assez basse sur le marché grand public. Ils ont été échaudés par la 4G (dont le taux d'adoption est plus bas en Europe qu'ailleurs, NDLR) et voient que les consommateurs européens sont plus sceptiques» concernant la 5G, explique M. Thillien.

L'Europe préfère donc se concentrer sur les applications industrielles de la 5G, dans l'automobile ou la santé par exemple, quand les États-Unis, la Corée du Sud et le Japon donnent la priorité au fait de proposer encore plus de débit à leurs abonnés.

«Dans tous les cas, le grand public s'emparera de la 5G, qui sera dans la continuité (de la 4G, NDLR)», souligne pour sa part Carole Manero.

La 5G, pierre angulaire de la révolution numérique

Toujours plus, telle pourrait être la promesse de la 5G, la prochaine génération de technologie mobile: plus de débit, de rapidité, de couverture pour connecter davantage les personnes et les objets, des médecins en passant par la voiture ou les trackeurs.

Comment fonctionne la 5G?

Comme les technologies mobiles précédentes, 2G (ou GSM), 3G ou 4G (LTE), la 5G est basée sur les fréquences radio, les mêmes que la diffusion télé, les talkies-walkies, le wifi ou une télécommande de garage.

Elle utilise des bandes de fréquences permettant de s'adapter aux nombreux usages envisagés.

Mais pour être à la hauteur des attentes la 5G doit pouvoir s'appuyer sur un réseau plus dense, impliquant une multiplication des antennes, de taille plus réduite, à l'extérieur et en intérieur, et le déploiement de fibre pour relier les sites, ce qui se fait déjà sur la 4G.

Elle reposera également sur davantage de logiciels et intégrera enfin un recours à l'intelligence artificielle visant renforcer encore la réactivité du système.

À quoi servira-t-elle?

Pour le consommateur, la 5G doit permettre d'augmenter les débits, d'offrir plus de rapidité et un meilleur confort. L'objectif: répondre à la demande d'internet mobile et à l'envolée de la consommation de vidéo en mobilité, car celle-ci consomme énormément de bande passante.

L'industrie des télécoms espère aussi que la 5G lui permettra de satisfaire la demande croissante de connectivité liée à la numérisation de la société et de l'économie.

Voitures connectées puis autonomes, robotisation, industrie 4.0, télémédecine et plus largement santé connectée, villes intelligentes font partie des très nombreuses applications pour lesquelles opérateurs et équipementiers espèrent voir la 5G s'imposer comme solution préférentielle de connectivité.

Pourquoi est-elle vue comme essentielle?

La 5G, contrairement à la 4G, a été développée pour supporter les besoins notamment de débit très élevé et temps de latence réduit. Depuis plusieurs années, opérateurs et industriels discutent en effet au niveau mondial afin de créer des normes communes, qui permettront d'avoir un réseau sensiblement équivalent partout.

La grande variété des fréquences qu'elle utilisera, la manière dont les antennes ont été pensées et la possibilité de construire un réseau en tranches (slices) lui permettent en effet de répondre à tous les cas de figure, en théorie. Elle permettrait d'offrir une couverture à grande échelle, de ne pas perdre le signal en intérieur ou sous terre, de réduire au maximum le temps de réponse (ou latence), d'offrir un débit très important nécessaire.

Autant de spécificités sans lesquelles les voitures autonomes ne pourront pas réagir en temps réel ou un médecin réaliser un diagnostic vidéo à distance, selon l'industrie des télécoms.

Quels sont les freins à son adoption massive?

Si le déploiement de la 5G ne fait plus aucun doute, elle ne le sera peut-être jamais pour répondre à l'ensemble des cas envisagés. Et bien que certains opérateurs évoquent un début de déploiement pour la fin de l'année 2018, c'est surtout à partir de 2020 qu'il se matérialisera grâce à la présence de smartphones compatibles 5G sur le marché, ce qui n'est pas encore le cas.

Reste que, dans beaucoup d'endroits, y compris en Europe la couverture en 4G n'est pas encore achevée. Dans certains pays africains, elle débute à peine. Les opérateurs font donc déjà face à un investissement important et celui attendu pour la 5G le sera plus encore.

Sera-t-elle adaptée à tous les usages? Les concurrents assurent que dans bien des domaines industriels, les réseaux bas débit longue portée, consommant peu d'énergie et transférant peu de données, seront amplement suffisants. Cela serait le cas par exemple de compteurs électriques, ou de systèmes de géolocalisation instantanée.

Pour d'autres, tels que la voiture autonome notamment, les opérateurs satellites espèrent aussi pouvoir mieux faire que la 5G.