En mettant en magasins vendredi ses nouveaux modèles d'iPhone 6S et 6S Plus, Apple tente aussi de changer sa relation avec les consommateurs aux États-Unis en court-circuitant les opérateurs de téléphonie.

Pour la première fois et, pour l'instant, uniquement sur le marché américain, le groupe informatique propose des programmes de financement.

On peut ainsi acheter un appareil débloqué à crédit sans passer par un opérateur, en étalant le paiement sur plusieurs mois, ou encore souscrire un abonnement mensuel permettant d'échanger chaque année son iPhone contre un nouveau modèle.

Aux États-Unis comme en France, les téléphones ont longtemps été vendus par les opérateurs télécoms à un tarif dit «subventionné», inférieur au prix normal de l'appareil. Le client s'engageait en échange auprès de cet opérateur pour une certaine durée, généralement deux ans. AT&T, Verizon et leurs concurrents se rattrapaient ensuite sur le montant mensuel des abonnements, mais cela camouflait le coût réel des appareils.

Les opérateurs américains ont commencé à s'affranchir de ce modèle, mais les prix élevés d'Apple (l'iPhone démarre à 650 dollars) deviennent du coup plus apparents. Son nouveau plan de financement sur deux ans à 27 dollars par mois donne l'impression d'être bien meilleur marché.

«Apple essaye d'avoir une relation plus directe avec ses consommateurs», estime Avi Greengart, qui suit les technologies mobiles pour la société de recherche Current Analysis.

Walter Piecyk, chez BTIG Research, relève que plus des deux tiers des achats d'iPhone aux États-Unis se font actuellement par l'intermédiaire des opérateurs ou de tiers, et que les déplacer vers les Apple Stores «peut soutenir la fréquentation des magasins (de la marque à la pomme) et conduire à davantage de ventes d'accessoires pour Apple».

Les gros opérateurs, comme AT&T et Verizon, «pourraient se retrouver sous pression pour améliorer leurs propres programmes (de financement) s'ils ne veulent pas perdre encore plus de contrôle sur les consommateurs au profit d'Apple», prévient-il.

«Les consommateurs sont davantage susceptibles de passer à un nouveau modèle plus vite», avance aussi Jan Dawson, analyste chez Jackdaw Research. «Ils viendront évidemment dans un Apple Store, et pas un magasin d'opérateur de téléphonie où ils pourraient être tentés d'acheter un (appareil) Samsung ou autre chose».

Il juge en outre que cela pourrait «augmenter énormément» les taux de désabonnements téléphoniques, car désormais les consommateurs pourront changer d'opérateur «sans réelle pénalité», quand ils s'exposaient auparavant au versement d'indemnités s'ils rompaient leur contrat avant l'échéance.

Accélérer les renouvellements

Certains analystes soulignent qu'Apple pourrait aussi augmenter ses ventes de téléphones en raccourcissant le temps d'attente avant de changer d'appareil.

Cela «soutient des gains de parts de marché, augmente la fidélité des consommateurs à Apple et permet un environnement de prix plus compétitif pour les iPhone», note Amit Daryanani chez RBC Capital Markets.

Katy Huberty chez Morgan Stanley évalue que les ventes d'iPhone neufs pourraient s'en trouver gonflées de 6,5 millions d'unités en 2017.

Elle évoque aussi la possibilité pour Apple de «revendre sur le marché d'occasion les iPhone vieux d'un an» que ses clients échangent contre un nouveau modèle, le cas échéant via des partenaires comme Brightstar aux États-Unis et Foxconn en Chine, et de s'ouvrir ainsi à des consommateurs n'ayant pas les moyens d'en acheter un neuf.

Bob O'Donnell, du cabinet de conseil Technalysis, envisage aussi une tentative d'Apple pour répondre à la saturation du marché des smartphones: «Nous allons voir Apple se concentrer davantage sur les services».

Certains spéculent même sur le fait qu'Apple pourrait lui-même lancer un service de téléphonie mobile, marchant dans les traces de Google qui a démarré au printemps sa propre offre aux États-Unis (Google Fi).

«Il y a quelques années, cela aurait semblé fou», mais c'est désormais «au moins plausible», avance Walter Piecyk, qui liste plusieurs avantages d'Apple en la matière: «il peut déjà faire des téléphones avec des cartes SIM capables de basculer d'un opérateur à l'autre, ils ont des boutiques physiques et en ligne qui peuvent s'occuper des clients, et plus de 100 millions d'Américains utilisent déjà ses iPhone».