La Commission européenne a adressé lundi une communication des griefs à Motorola Mobility, filiale de Google, à qui elle reproche d'avoir abusé de sa position dominante en déposant une injonction contre Apple en Allemagne pour le viol de ses brevets dans la téléphonie mobile.

Motorola Mobility, concepteur de téléphones intelligents et de tablettes, détient des brevets essentiels liés à des normes. Il s'agit de brevets incontournables pour faire fonctionner des technologies largement répandues.

Il s'était engagé à concéder des licences pour ces brevets à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (répondant en anglais à l'acronyme FRAND pour fair, reasonable and non-discriminatory).

Mais l'injonction demandée par Motorola en Allemagne contre Apple va à l'encontre de cet engagement, estime la Commission.

«Les titulaires de brevets essentiels à des normes en position dominante», comme c'est le cas de Motorola, «ne devraient pas avoir recours à des injonctions (...) pour fausser les négociations en matière de licences et imposer des conditions injustifiées aux preneurs de licence», explique-t-elle.

Les injonctions déposées en justice impliquent généralement l'interdiction à la vente du produit violant le brevet. Y recourir de manière abusive risque en définitive de nuire aux consommateurs, souligne l'exécutif européen, gardien de la concurrence en Europe.

Les brevets incriminés dans ce cas précis ont trait à «une norme de base», a expliqué un porte-parole de la Commission européenne, Jonathan Todd, au cours d'un point de presse. Il s'agit de la norme GPRS de l'Institut européen des normes de télécommunications, qui fait elle-même partie de la norme GSM, essentielle pour les communications mobiles et sans fil.

Motorola, qui s'était engagé à concéder des licences aux conditions FRAND, a quand même demandé une injonction contre Apple en Allemagne. Après l'avoir obtenue, la société s'est employée à la faire exécuter, alors qu'Apple s'était déclaré disposé à accepter les droits de licence FRAND.

«Nous sommes d'accord avec la Commission européenne pour dire que des injonctions ne devraient concerner que les demandeurs de licences de mauvaise volonté, et dans ce cas précis, Motorola Mobility a suivi la procédure établie par la Cour suprême allemande», a réagi dans un communiqué une porte-parole de Motorola en Europe, Katie Dove.

La Commission avait ouvert son enquête visant Motorola début avril 2012. L'étape de la communication des griefs correspond à une phase d'enquête approfondie, lorsque les soupçons de la Commission se précisent. Pour autant, elle ne préjuge pas de l'issue de l'enquête.

Motorola va pouvoir désormais exercer son droit à la défense. Si la Commission conclut qu'il existe les preuves suffisantes d'une infraction, elle peut infliger une amende allant jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires annuel mondial.

Par ailleurs, la communication des griefs décidée lundi ne concerne que la plainte d'Apple. Une autre plainte pour les mêmes pratiques déposée contre Motorola par Microsoft «est toujours étudiée activement» par la Commission, a rappelé M. Todd.

La plupart des groupes technologiques sont engagés dans une guerre judiciaire sur les brevets, s'attaquant les uns les autres pour vols de technologies dans le monde entier. L'Allemagne est un des terrains privilégiés de ces affrontements en raison d'une législation jugée très protectrice pour les détenteurs de brevets.

Parmi les derniers épisodes de cette «guerre des brevets», Motorola vient de perdre une manche devant la justice américaine contre Microsoft concernant l'utilisation de ses brevets essentiels en matière de vidéo et de connexions mobiles sans fil en WiFi. Le jugement a permis à Microsoft de réduire considérablement sa facture pour l'utilisation de ces brevets sur sa console de jeux XBox.

En décembre 2012, la Commission avait adressé une communication des griefs à Samsung. Là aussi, elle reproche au géant sud-coréen de l'électronique d'avoir abusé de sa position dominante en cherchant à obtenir des injonctions contre Apple pour violation de ses brevets.