Bien loin de son image d'équipement hightech, à Paris la fibre optique «noire» transite en grande partie via les égoûts où quelque 400 kilomètres de câbles acheminent du très haut débit le long de galeries sombres, humides et odorantes.

Les fils de verre très fins qui composent la fibre optique transmettent un signal lumineux qui permet d'acheminer à grande vitesse des volumes importants de données.

Moins d'une dizaine d'opérateurs en Ile-de-France proposent de la fibre «noire», louée à l'état brut, sans services, aux clients (majoritairement des entreprises) qui l'utilisent selon leurs besoins.

«Une grande partie de la fibre optique est posée dans les égoûts pour des raisons de facilité d'accès, et le reste se fait sous les rues et les trottoirs», résume à l'AFP Didier Soucheyre, président de Neo Telecoms, un des principaux acteurs du secteur.

«La pose dans les égoûts coûte moins cher: on doit s'acquitter d'un droit de passage sur le domaine public pour chaque mètre de cable posé, ce qui nous revient quand même à quelques centaines de milliers d'euros par an. Mais dans la rue, les travaux de voirie coûtent aussi cher et sont plus longs et compliqués», détaille-t-il.

Le fait que les égoûts de Paris soient fermés au public - seuls quelque 500 mètres sont accessibles depuis le pont de l'Alma, sur les 2500 km de galeries que compte le réseau dans son entier - est aussi un gage de sécurité pour cet équipement stratégique.

Et s'il faut des permis spéciaux pour entrer et intervenir dans les égoûts, il est également obligatoire pour les ouvriers et prestataires d'être vaccinés contre la leptospirose, maladie infectieuse dont les rats sont porteurs, ces rongeurs étant présents dans les galeries.

Fourreau anti-rongeurs

Au-dessus des collecteurs qui charient à grand bruit les eaux usées, des cables noirs courent le long de galeries à peine éclairées, marqués à intervalles réguliers de petites étiquettes de couleur portant le nom de l'opérateur propriétaire, suivi d'un numéro de téléphone à appeler en cas d'urgence ou d'incident.

Chacun de ces câbles, qui dessert une moyenne de 200 clients, enserre un bouquet de 432 ou 864 «fils» de fibre optique, «soit un potentiel de transport de données colossal».

Si ces «fils» de fibre ne mesurent à eux seuls qu'un petit centimètre de diamètre, ils sont entourés d'un fourreau de 5 cm qui les protège contre les rongeurs mais aussi contre d'éventuels sectionnements.

«À l'extérieur, sur le réseau, on peut avoir des problèmes de coups de pelleteuse lors de travaux, et dans les égoûts il peut aussi y avoir le sectionnement par erreur d'un mauvais cable», explique Florian du Boys, directeur général de Neo Telecoms.

Dans un tel cas, «rare», l'intervention se fait en urgence pour remplacer la portion de câble endommagée, des boîtes de raccordement étant placées tous les 300 mètres.

Les câbles de fibre ne transportant en revanche pas d'électricité, Didier Soucheyre souligne qu'ils peuvent «même supporter d'être dans l'eau et continueraient de fonctionner s'ils étaient noyés», en cas de montée d'eau exceptionnelle dans les égoûts par exemple.